mardi 31 mai 2011

LE SURVIVANT - 31 mai 2014 (épisode #67)

Un éclair a déchiré le ciel en pleine nuit. Le tonnerre a suivi, et la pluie s'abattant sur le monde et ma pauvre carcasse fatiguée. Je me suis relevé, titubant, ignorant encore combien d'heures me séparaient de l'aube et de la lumière. Le bruit du vent, de l'orage, hurlant dans mes oreilles réveilla en moi toutes mes terreurs nocturnes. Je crus voir des dizaines, des centaines, des milliers de paires d'yeux braquées sur moi. Il est des choses en ce monde bien pires que des morts qui marchent, des choses plus anciennes. Je le sais maintenant. Des spectres, des esprits, certains bienveillants, comme celui de ma regrettée Carole, mais d'autres ayant à cœur de faire souffrir les vivants et de les corrompre par la haine et la folie.
La haine et la folie. Nous avons tout cela en nous, moi y compris. C'est une bête en cage et il faut sans cesse lutter pour éviter que la bête n'arrache les barreaux qui la retiennent.

 Le village n'était pas si loin et j'ai forcé les portes d'une boulangerie pour m'abriter à l'intérieur. J'étais trempée, pitoyable. Je n'ai pas pu fermer les yeux, scrutant les ombres. Une aube grise a finie par se lever. La pluie s'est calmée. J'ai fait le tour de l'endroit pour chercher quelque chose à manger en vain. Il ne restait que quelques sodas. Je suis finalement sorti, motivé par la faim. J'ai fouillé dans certaines maisons du village pour trouver un repas. J'ai été récompensé par une conserve de carottes et de petits pois et des sardines. Cerise sur le gâteau de ce qu'il est permis de considérer comme un festin (dans de pareilles circonstances), j'ai pu me délecter de deux barres chocolatées à peine périmées d'une semaine. Il n'y a vraiment pas à dire, je suis un veinard.

Je me suis reposé. J'ai fait le point. J'ai repensé aux évènements de la veille. L'image des deux jumeaux plongeant dans le vide, couverts de sang, ne cesse de revenir. Leurs corps, emportés par la rivière souterraine sont sûrement déjà revenus à la vie. Une partie de moi-même est tentée de partir à leur recherche. Peu importe que Pierre soit un meurtrier, un cannibale ayant dévoré femmes et enfants. Il m'a sauvé la vie, tuant son propre frère pour cela. Il a tenu sa promesse faite à Carole et il a gagné le droit de reposer en paix. Il ne me reste que deux chargeurs, mais je lui dois bien une balle.

C'est sur mon chemin. Je peux bien faire le détour. Je vais donc suivre la rivière et si je retrouve Pierre, je l'achèverais. En fouillant consciencieusement les dernières maisons du village, j'ai trouvé d'autres conserves et une bouteille d'eau. J'ai aussi changé de vêtements, les autres étant déchirés un peu partout. Tâchés de sang aussi. Je me suis enfin remis en route, me hâtant pour rejoindre le prochain village avant la tombée de la nuit. J'ai contourné l'abime sur une quinzaine de kilomètres jusqu'à Trèves, rattrapant le cours de la rivière. Rien. Pas de corps. Pas de zombies.

Le soleil a percé les nuages avant que le jour ne s'achève. Dans un reflet sur l'eau, je suis persuadé d'avoir vu Carole. Elle continue de me suivre. Et de veiller sur moi.

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