dimanche 29 mai 2011

LE SURVIVANT - 29 mai 2014 (épisode #65)

Le gîte était abandonné. Vide. Absolument vide. J'ai été obligé de dormir à même le sol. Une nuit longue et sans rêves ou cauchemars. J'ai senti des yeux posés sur moi.

Pierre. Encore Pierre. Face à moi au réveil. Une tasse de café bien chaude à ma disposition. Il était assis par terre, face à moi. Mais il ne souriait plus du tout. Son expression était celle d'un vieil homme accablé par un secret bien dégueulasse. Et là, tout d"un coup, il m'a parlé. 
"Je ne suis pas le seul" dit-il.
"Comment ça ... tu n'es pas le seul ?"
"Il y en a un autre."
"Un autre ? Comme toi ?"
"Non ... pas comme moi. Lui, il est pire. Il ne faut pas traîner. Il t'as vu et il te veut."

Après m'avoir laissé le temps de terminer ma tasse de café, Pierre m'a invité à le suivre à l'extérieur. Il était encore tôt. Dans le ciel, de gros nuages sombres se rassemblaient à l'est. La température, bien qu'agréable, semblait avoir baissé significativement.
Sur la porte d'entrée du gite, on avait tracé à la peinture verte un énorme triangle. La peinture était encore fraîche. Je me suis retourné vers Pierre avec un regard que j'imagine comme un mélange de haine, de peur et de suspicion. Double personnalité ? L'idée m'a brièvement effleurée. Mais à voir l'expression de Pierre, ses grandes mains blanches tremblantes, je me suis dit que non. Quelqu'un d'autre nous observait alors. Je l'ai senti. J'ai pensé à Spider-Man et son super sixième sens arachnéen et là j'ai commencé à comprendre ce que ce pauvre super-héros pouvait ressentir à longueur d'aventures. Je me doute bien que mon instinct est loin d'être aussi efficace que celui d'un mec mordu par une araignée radioactive. Mais croyez-moi, sentir un regard sans savoir d'où est-ce que ça peut bien venir, même dans un monde où les morts reviennent à la vie, y a de quoi vous coller les miquettes pour de bon.
"Faut pas traîner. Il a faim." s'est contenté de dire Pierre.

Il s'est mis en marche vers le sud sans plus attendre. Et je lui ai emboîté le pas, tout en gardant une bonne distance entre nous deux. Nous n'avons fait que deux pauses pour manger. Nous restions assis chacun de notre côté, à une dizaine de mètres l'un de l'autre. J'ai continué à manger mes boîtes de conserves. Pierre, lui, grignotait des lamelles de viande séchée. Quel type de viande ? Je ne lui ai pas posé la question, mais je doute que ce soit du bœuf ou du poulet. 

Au cours de cette longue marche, le regard de "l'autre" ne nous a pas quitté. Le ciel ne s'est pas dégagé, mais il n'a pas plu pour autant. 
Sur un arbre, sur un rocher, sur un panneau, nous avons croisé la marque verte à plusieurs reprises. Le parc national des Cévennes est toujours une réserve, mais d'un autre genre à présent. 

Nous avons doublé ma distance de la veille. Presque 50 kilomètres. Nous avons parcouru plus de la moitié du parc. Si nous gardons ce rythme demain, nous devrions pouvoir atteindre Ganges, une commune à la sortie des Cévennes. Mais pour le moment, notre étape se situe à Saint Sauveur de Camprieu, un petit village. Nous nous trouvons dans le Gard. Nous avons choisi de ne pas traverser le village. Ce soir, nous dormirons à la belle étoile. A l'abime de Bramabiau. C'est un étrange site naturel. mais balisé et aménagé pour le tourisme. Une rivière souterraine encaissée dans un massif de calcaire. On y accède par un sous-bois. Puis la descente est progressive et le bruit de la rivière emplit doucement l'espace sonore. Nous avons commencé à nous enfoncer loin de la lumière du crépuscule, mais c'est là que Pierre a décidé de se poser, alors que le chemin qui longe la rivière se rétrécit en paroi. Nous y passerons la nuit. 

Pierre a allumé un petit feu. Il jette des regards nerveux à droite et à gauche. 

"Cette personne qui me veut du mal, tu sais qui c'est ?" lui ai-je demandé.
"Oui. Je le connais."
"Et ?"
"Je ferais de mon mieux pour te protéger s'il vient."
"Pourquoi ? Tu me connais pas."
"Si. Je te connais bien maintenant. Tu ne m'as pas tué."
"Ce n'est pas parce que je t'ai pas tué que tu me connais. J'en ai toujours envie. T'es un monstre. J'ai toujours envie de te tuer pour ce que tu es."
"Mais tu le feras pas. Elle m'a parlé de toi. Et elle m'a fait promettre de te protéger."
"Qui est Elle ?"
"Une très belle femme. Elle aussi te suit."

J'ai demandé à Pierre de me servir un autre café. Je ne dormirai pas cette nuit. 

"Une très belle femme. Elle aussi te suit."




1 commentaire:

  1. Mon 1er com en 65 episodes... mais quel enfoiré ! lol pas besoin car tu sais que j'adore ce que tu écris ! mais voilà je le dis et redis, c'est énorme ! et pis c'est tout ! tu as ton 1er vrai fan et je compte vraiment m'investir sur ce que je t'ai proposé pour des illustrations ;) continue comme ca et sois fier de ton travail car u peu l'être ! Tu n'as pas oublié le visage de ton père mon ami au contraire, suis ta quête, peu importe le prix comme IL l'as fais et le fera... ;)

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