Vous pouvez me croire sur parole, ça fait tout drôle de se réveiller entouré d'une bande d'étrangers qui vous observent en silence. Parce que, visiblement, le territoire des fanatiques de la veille est bien plus étendue que je ne le croyais. Quant à mes "talents" en matière de discrétion, il laisse à désirer. Ils m'avaient repéré avant même que ne soupçonne leur existence. Mais ils m'ont laissé vivre. Et ils m'ont laissé un avertissement.
J'ai ouvert les yeux aux premiers rayons de soleil et ils étaient là, dehors, à m'attendre. L'un d'entre eux était dans la même pièce que moi et il est fort probable qu'il ait passé la nuit en ma compagnie, assis, sans faire un bruit.
Ils étaient une grosse vingtaine. Trois cavaliers et le reste. Tous armés. De haches, de couteaux, de faux, de bêches. Des silhouettes foutrement lugubres. Et silencieuses, tellement silencieuses. Ils n'ont même pas tenté deme parler, de raisonner avec moi. L'arbre le plus proche était déjà orné d'un zombie pendu. J'ai de suite saisi le message. Pas besoin de paroles. Ils l'ont vu dans mes yeux. C'est alors que le groupe s'est écarté pour m'ouvrir un passage. "Dégages !", voilà leur message. Je ne suis ni un croisé, ni un infidèle. Juste un intrus qu'une certaine conception de la charité chrétienne a épargné pour un court instant. J'ai lu ce mélange de folie et de détermination dans tous ces regards et là, je me suis fait une réflexion en moi-même : si il reste un minimum d'instinct de survie chez les zombies, il est préférable pour eux qu'ils évitent de croiser la route de ces allumés. Je me souviens de Verney rêvant de déclarer une guerre aux zombies. Ces gens là ont réalisés son fantasme, mais je ne suis pas certain de les voir réussir dans cette entreprise.
Je suis parti sans perdre la moindre minute. Histoire de placer le maximum de kilomètres entre moi et les fanatiques. En chemin, j'ai croisé deux nouveaux arbres à pendus et j'ai senti leur présence, manque de discrétion évident de leur part. Au bout d'une quinzaine de kilomètres de marche, un des membres de cette joyeuse bande m'attendait à un carrefour. Il m'a fait signe de la main, m'indiquant que la voie était libre. Je l'ai dépassé, puis je me suis retourné. De la main, il me souhaitait au-revoir, sinistre parodie de civilité. Pour la première fois de ma vie, je me suis surpris à prier. Prier pour ne jamais les revoir.
Je suis arrivé aux alentours de la commune de Courpière en fin de journée. L'endroit est infesté de morts-vivants. Cette horde de zombies semblent se diriger vers le nord, plus ou moins droit vers les fanatiques. A la vitesse où ils avancent, une bataille devrait avoir lieu d'ici trois à quatre jours et je suis content de savoir que je n'en serais pas témoin. J'ai du jouer de la hache pour nettoyer mon refuge pour la nuit, une auberge au bord de la départementale 58. Je me remémore la nuit précédente et ces regards silencieux. Je me demande si j'arriverai à trouver le sommeil cette nuit.
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