mardi 31 mai 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #63 - LA MOUCHE

Réalisé par David Cronenberg - Sortie US le 15 août 1986 - Titre original : The Fly.
Scénario : Charles Edward Pogue, David Cronenberg, d'après la nouvelle de George Langelaan.
Musique : Howard Shore.
Directeur de la photographie : Mark Irwin.
Avec Jeff Goldblum (Seth Brundle), Geena Davis (Veronica Quaife), John Getz (Stathis Borans), ...
Durée : 95 mn.

Scientifique génial, Seth Brundle travaille sur la téléportation. Lors d'une soirée, il invite une journaliste, Veronica, à venir visiter son laboratoire pour une démonstration, ...


La fin d'une époque, et le début d'une autre. LA MOUCHE est un film capital dans la carrière du cinéaste canadien David Cronenberg. Il s'agit là de son dernier VRAI film d'horreur, le dernier opus d'une première partie de carrière dédiée à la série B, à l'horreur graphique et à la construction d'une thématique unique et cohérente. Fascinée par la puissance de la sexualité, la mutation des chairs, la maladie et ses influences sur la psyché humaine mais aussi amoureux de science-fiction, Cronenberg expose avec LA MOUCHE la totalité de ses obsessions de la manière la plus graphique et la plus explicite qui soit tout en conservant ses atours de grand film d'horreur de studio avec effets spéciaux spectaculaires et photographie stylisée à l'appui.


Produit par Mel Brooks (tout comme ELEPHANT MAN), LA MOUCHE version Cronenberg est la deuxième adaptation d'une nouvelle de science-fiction (jadis parue dans les pages de Playboy) qui avait déjà donné lieu à une trilogie de films d'horreurs avec Vincent Price des années 50/60. Avec très peu de personnages (trois) et très peu de décors (90 % du film se déroule dans le laboratoire de Seth Brundle), le cinéaste et scénariste dégraissent son histoire jusqu'à l'os. Il s'agit essentiellement d'une histoire d'amour confrontée à la tragédie de la maladie. Ce faisant, Cronenberg dresse le portrait tragique d'un homme de science face à la dégradation progressive de son corps mais aussi de son âme. Aidé par des maquillages réellement impressionnant et la performance d'acteur de Jeff Goldblum, LA MOUCHE décrit la souffrance de Seth Brundle étape par étape.
L'émotion surgie essentiellement à travers le regard de Veronica, interprétée avec une grande sensibilité par Geena Davis, alors la compagne de Jeff Goldblum. L'alchimie entre les deux acteurs est indéniable et l'amour dans leurs regards est d'une authenticité à toute épreuve. Les dernières minutes du métrage n'en sont que plus émouvantes, déchirantes même. C'est dans ces derniers instants que Cronenberg réussit l'exploit de nous faire ressentir jusqu'au plus profond de notre être le calvaire de son héros, réduit à un amas de chairs torturés et indéfinissables, mélange improbable entre l'homme, l'insecte et la machine. C'est dans ces dernières minutes également que David Cronenberg met le spectateur en face d'un immense tabou : l'euthanasie. Osé mais payant.


Aussi difficiles que soient les thèmes abordées par LA MOUCHE, Cronenberg n'oublie pas qu'il livre un film de studio, une commande. Il contente donc les fans d'horreur en se surpassant dans le gore et les images chocs. Pour qui admire le cinéaste depuis SCANNERS, CHROMOSOME 3 et VIDEODROME, on ne peut s'empêcher de considérer LA MOUCHE comme un feu d'artifice ou un véritable baroud d'honneur. La grandiloquence dans les effets est telles que la musique d'Howard Shore se fait opératique, grandiose, tonitruante. Le compositeur décuple encore un peu plus les dilemnes du personnages principal, reflétant la tempête dans son cœur et son esprit par de virtuoses envolées lyriques. 


Après LA MOUCHE et son énorme succès au box-office vint FAUX-SEMBLANTS, initiant ainsi le versant le moins commercial de la filmographie de David Cronenberg. Ayant finalement gagné son indépendance en même temps que le respect des critiques ET du public, il abandonna l'horreur pur au profit d'expérimentations passionnantes. LA MOUCHE est le film de sa mutation, à plus d'un titre.

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