Je ne sors plus du dortoir et je ne parle plus à personne, ou si peu. Le docteur Denoy s'inquiète pour moi parce que je n'ai rien mangé de la journée. Je ne bois que le minimum vital.J'ai tenu à le rassurer en lui disant que je n'avais pas l'intention de me laisser mourir. J'ose croire que le ton de ma voix et mon regard l'ont convaincu.
Mais je ne reste pas inactif pour autant. Je m'entretiens en combinant séries de pompes, de tractions et d'abdos. Je transpire autant que possible et je pousse jusqu'à l'évanouissement.
Je lis et je relis toutes les pages de mon journal. Je suis tenté d'en arracher certaines, de les brûler, mais je me retiens. Elles témoignent de celui que j'ai pu être. Je me demande si quelqu'un les lira un jour. C'est de la curiosité bien plus que de la vanité parce que je n'en ai vraiment rien à foutre du jugement que l'on pourra porter sur mes actes et mes pensées. Je sais que personne ne les lira de mon vivant parce que j'y veillerai. Mais une fois mort, quelle importance que l'on prenne pour un fou ou autre chose ?
Dans le camp, chacun continue de vivre sa petite vie avec un calme inhabituel. Le bébé, situé seulement à deux chambres de la mienne, ne pleure presque pas. Et je n'entends pas non plus le moindre coup de feu Ce qui veut dire que les zombies peuvent continuer à s'amasser autour du périmètre en toute tranquillité. La douceur du printemps cède peu à peu la place à la chaleur de l'été et la puanteur de centaines de corps en décomposition errant sous un ciel sans nuages envahit l'atmosphère.
Alexis est venu me faire la conversation en fin de journée. Je l'ai écouté parler sans lui répondre. L'enclos à bétail semble abandonné et un potager est destiné à le remplacer. Je suis sceptique. Toujours d'après Alexis, Verney préconise un rationnement avant la sortie prévue la semaine prochaine. Je connais l'état de nos réserves. Même sans rationnement, nous avons encore un mois, peut être deux, avant de commencer à crever la dalle.
Je continue de converser avec Carole la fantôme. Elle m'a demandé si je pensais encore à Elisa, mon ex. Je n'avais jamais parlé d'Elisa à la vraie Carole. Mais cette Carole là me connaît mieux, bien mieux. Puisqu'elle vit dans ma tête et se nourrit de mes souvenirs, de mes rêves et de mes cauchemars. Alors que le soleil se couchait, Thibault est venu se joindre à la discussion. Il lui manque la moitié de la tête mais sa voix n'a rien perdue de son autorité naturelle.
ça y est, il commence à débloquer !
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