mardi 3 mai 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #35 - DEAD ZONE

Réalisé par David Cronenberg - Sortie US le 21 octobre 1983.
Scénario : Jeffrey Boam, d'après le roman de Stephen King.
Musique : Michael Kamen.
Directeur de la photographie : Mark Irwin.
Avec Christopher Walken (Johnny Smith), Martin Sheen (Greg Stillson), Brooke Adams (Sarah Bracknell), ...

Professeur sans histoire, fiancé à la belle Sarah, Johnny Smith est victime d'un grave accident de la route qui le plonge dans un coma profond. Cinq années sont passées lorsqu'il se réveille enfin. Il apprend que Sarah a refait sa vie avec un autre homme et il se découvre un don qui a tout d'un fardeau : il peut prédire l'avenir et tout savoir d'une personne par un simple contact de la main, ...


Pour le très indépendant David Cronenberg (cinéaste canadien et non américain, il est toujours utile de le préciser), DEAD ZONE a tout de la commande de studio. Une nouvelle (énième ?) adaptation d'un best-seller de Stephen King, chapeautée par le nabab italien Dino de Laurentiis. En outre, le sujet semble bien éloigné des obsessions habituelles du cinéaste, plus porté sur les turpitudes de la chair, les sexualités déviantes et les réflexions philisophico-politiques.
La surprise n'est en que plus grande. Superbe tragédie fantastique, DEAD ZONE offre à Christopher Walken l'un des plus grands rôles de sa riche carrière et s'impose comme l'une des plus belles adaptations d'une œuvre du King sur grand écran. L'une des toutes premières à prouver que ses histoires ne sont pas de simples contes horrifiques mieux troussées que la moyenne et qu'elles peuvent aussi se révéler incroyablement émouvantes.
C'est l'histoire d'un homme ordinaire affublé d'un don extraordinaire. Le parcours de Johnny Smith est un long calvaire qui n'a rien d'enviable. Meurtri dans sa chair, il perd la femme qu'il aime par dessus tout à un autre homme, puis sa mère décède et son "pouvoir" ne lui offre qu'une succession de visions d'horreurs. Pour un temps, Cronenberg laisse provisoirement tomber les mutations physiques et se concentre sur les mutations psychologiques et émotionnelles, DEAD ZONE anticipant aussi bien la tragédie de Seth Brundle dans LA MOUCHE que les dilemmes moraux des personnages de son fabuleux diptyque A HISTORY OF VIOLENCE/LES PROMESSES DE L'OMBRE. Et sur la forme, il s'agit d'un long-métrage très abouti. Baigné dans une belle lumière hivernale, naturaliste au possible, DEAD ZONE prouve que Cronenberg est parfaitement à l'aise dans les nombreuses ruptures de ton que l'histoire lui impose (histoire d'amour impossible, enquête policière, drame familial, chronique des rapports entre un enseignant et son élève et, enfin, thriller apocalyptique) et affirme un style tout en retenue qui deviendra de plus en plus sa marque de fabrique. Epique dans sa narration, le roman de Stephen King devient ici intimiste et plus concis. Ordure monumentale, le sénateur Gregg Stillson apparaît nettement en retrait, quelques séquences et tout le talent de Martin Sheen se révélant suffisantes pour l'imposer comme une menace de taille, un Adolf Hitler en puissance. Cronenberg se concentre sur Smith et ménage ses effets.




La conclusion de DEAD ZONE offre au spectateur un happy-end déchirant et amère. Johnny Smith sacrifie sa dernière possession, sa vie, pour éviter à l'humanité (qui ne le comprend pas et ne le comprendra jamais) un holocauste nucléaire. Sauver le monde n'aura jamais eu un arrière-goût aussi douloureux. Cronenberg, lui, a réussi un petit exploit : sa voix et sa vision, entre humanisme vibrant et formalisme glaçant, ne s'est pas perdue un seul instant au sein d'un pur produit de studio.


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