vendredi 6 mai 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #38 - SCARFACE

Réalisé par Brian de Palma - Sortie US le 9 décembre 1983.
Scénario : Oliver Stone, d'après le film "Scarface" réalisé par Howard Hawks et écrit par Ben Hecht.
Musique : Giorgio Moroder.
Directeur de la photographie : John A. Alonzo.
Avec Al Pacino (Tony Montana), Steven Bauer (Manny Ribera), Mary Elizabeth Mastrantonio (Gina), Michelle Pfeiffer (Elvira Hancock), Robert Loggia (Frank Lopez), ...
Durée : 170 mn.
Réfugié cubain arrivé à Miami en 1980, Tony Montana va peu à peu gravir les échelons qui vont faire de lui un parrain de la drogue, ...


 Brian de Palma abandonne un temps le thriller hitchcockien pour se lancer dans ce (faux) remake d'un classique des années 30 réalisé par Howard Hawks, SCARFACE. Epique, violent, et portée par la prestation délicieusement excessive d'un Al Pacino possédé, la version de De Palma pousse le "rise and fall" (sous genre du film noir, centré sur la grandeur et la décadence d'un criminel notoire) dans ses derniers retranchements. Jusqu'à la parodie en fait. Mais une parodie qui fait peur.
Avant toute chose, il y a un scénario. Celui d'Oliver Stone. Déjà auteur de l'adaptation de CONAN LE BARBARE, encore un portrait de self made man d'envergure, Stone récidive et se lâche ici totalement, signant un script foisonnant et ambitieux mêlant politique (le statut des réfugiés cubains sur le sol américain), criminologie (comment un simple voyou acquiert le statut d'empereur du crime), drame familial, histoire d'amour, amitié virile, tragédie, action et même mythologie (la stature de Tony Montana devient légendaire, au propre comme au figuré).   Sans négliger un seul aspect de la question, Oliver Stone nous parle d'ambition et de folie, les deux étant intimement liés. La voracité de Tony Montana l'amène ainsi à briser toutes les barrières en matière de moralité, de violence et d'excès divers, jusqu'au point de non-retour, jusqu'à perdre pied d'avec la réalité. L'image qui nous est donnée à voir du pouvoir en général et des narco-trafiquants en particulier navigue entre le spectacle outrancier et l'horreur humaine la plus absolue.
Au scénario déjà chargé d'Oliver Stone vient ensuite se greffer la mise en scène hyperbolique de Brian de Palma. Loin du classicisme hollywoodien qu'un tel sujet pourrait réclamé, le cinéaste donne dans la virtuosité, le maniérisme et le mauvais goût assumé. Plans séquences baroques, travelling circulaire à rallonge, jeux sur la perspective et la profondeur de champ, tous les tics de Brian de Palma, expérimentés dans ses films précédents (CARRIE, PULSIONS, BLOW OUT) répondent à l'appel, Chaque scène est pensée comme un morceau de bravoure indépendant. Cette exagération de tous les instants créé un discours à double fond. En apparence, l'ascension de Tony Montana, spectaculaire, est glorifiée. Mais c'est un leurre. Le formalisme au diapason de la folie de Tony Montana est une déformation de la réalité qui, elle, n'a rien de glorieuse. La fortune et l'empire que ce criminel a bâti s'écroulent plus vite encore dans un dernier acte apocalyptique. 


 Aujourd'hui, SCARFACE jouit d"une aura culte auprès de tous les bad boys du globe, ces derniers érigeant Tony Montana en exemple. Incroyablement subtil et ironique, le film de Brian de Palma tourne pourtant en ridicule leurs rêves de gloire facile avec une férocité sans commune mesure. Faux biopic, SCARFACE est une satire, virant parfois au film d'horreur, de la criminalité contemporaine. Encore faut-il avoir un cerveau pour saisir la caricature. Quinze ans plus tard, Paul Verhoeven appliquera la même méthode à son grinçant STARSHIP TROOPERS. A méditer ....

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire