samedi 28 mai 2011

LE SURVIVANT - 28 mai 2014 (épisode #64)

Je n'ai pas croisé le moindre mort-vivant aujourd'hui. Je n'ai parcouru qu'une petite vingtaine de kilomètres, la chaleur et les arrêts fréquents pour consulter ma carte et ma boussole m'empêchant de mettre le turbo. 
Et durant tout le trajet, Pierre m'a suivi. A bonne distance; mais toujours visible. Il me suit et il s'occupe de moi. A mon réveil, un café bien chaud m'attendait. Il se comporte comme une sorte d'ange gardien. Mais, ... un ange gardien cannibale qui a survécu en tuant et en se nourrissant de la chair de tous ceux qui se sont approchés trop près de lui, il faut dire que ça n'est pas banal. Je reste prudent, mais il est peu probable qu'il tente de me faire du mal. Il en a eu plus d'une fois l'occasion, après tout.

La mer se rapproche à chacun de mes pas. Je peux le sentir. C'est con mais c'est pourtant ce que je ressens. Je suis en pèlerin en terre abandonnée, suivi par un bienfaiteur anthropophage. L'ironie de la chose m'a arraché un fou-rire. Je n'ai plus d'attaches. Je n'ai plus rien. Je m'acharne à avancer et à vivre alors que j'ai vu tant de gens qui ont préférés le suicide à ... ça. J'ai un but, même si je ne suis pas vraiment foutu de l'expliquer en des termes simples. Ce n'est pas simplement une question d'instinct. C'est ... putain, je sais pas ce que c'est. J'avance, je respire, je vis. Point barre. Pour les détails, je verras quand je serais arrivé à bon port. 

Je repense à Elisa. Je repense à Carole. Je repense à mes parents et à ma vie d'avant. Et je me demande si c'est tellement difficile d'oublier. Il me suffit de rester concentré sur la ligne d'horizon et tous ces visages si familiers, si importants, deviennent subitement flous. 

J'ai repéré un gîte à deux cent mètres. Pierre aussi l'a vu. Il me l'a montré du doigt, toujours souriant, toujours muet. J'hésite à y passer la nuit. Puisqu'il semble vouloir régler son pas sur le mien, je suppose que Pierre hésite aussi. Je me demande si Pierre va me suivre encore longtemps, s'il va vouloir m'accompagner jusqu'au bout. Tant qu'il reste loin de moi, ça me va. S'il se rapproche de moi, je vais me sentir obligé de lui adresser la parole. Honnêtement, de quoi pourrions-nous bien parler ?




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