mercredi 25 mai 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #56 - LA COULEUR POURPRE

Réalisé par Steven Spielberg - Sortie US le 18 décembre 1985 - Titre original : The Color Purple.
Scénario : Menno Meyjes, d'après le roman de Alice Walker.
Musique : Quincy Jones.
Directeur de la photographie : Allen Daviau.
Avec Whoopi Goldberg (Celie Harris Johnson), Danny Glover (Mister Albert Johnson), Oprah Winfrey (Sofia), Margaret Avery (Shug Avery), Akosua Bosua (Nettie Harris), Adolph Caesar (Old Mister), Willard Pugh (Harpo Johnson), ...
Durée : 154 mn.
Au début du siècle dernier, sur une période d'une trentaine d'années, la vie de la pauvre Celie, femme noir dans le sud des Etats-Unis. Son père la fait marier à l'âge de quinze ans à Mister, un homme violent et autoritaire qui va la séparer de sa sœur, Nettie, ...


Malgré un certain succès, tant public que critique, les griefs contre l'adaptation par le blanc Steven Spielberg du prix Pullitzer noir américain emblématique d'Alice Walker (LA COULEUR POURPRE donc) n'ont pas manqués. On a parlé de stéréotypes inacceptables, de la mise à l'écart de l'attirance homosexuelle entre Nettie et Shug et d'autres trahisons faites au roman. Soyons clairs, si le film de Spielberg n'est pas parfait, ces critiques sont tout bonnement irrecevables. Il s'agit d'un film, d'une adaptation (et non d'une transposition) et la somme des talents investis (Oprah Winfrey, Whoopi Goldberg, Danny Glover en tête de casting, Quicny Jones à la musique; si ça ce n'est pas de l'intégrité, du respect et de l'honnêteté vis à vis de la communauté noire américaine !) ainsi que les thèmes traités (le racisme, certes, mais surtout la tyrannie des hommes sur les femmes dans une communauté dont le plus grand danger est qu'elle se referme définitivement sur elle-même) en font une œuvre fascinante et courageuse. 


Concernant la relation entre Celie (formidable Whoopi Goldberg) et l'extravertie Shug, que Spielberg ait volontairement décidé de ne pas en faire une histoire d'amour n'a rien d'étonnant. Le cinéaste n'a jamais été à l'aise dans la représentation de la sexualité à l'écran. C'est là toute une imagerie qu'il a toujours pris soin d'éviter. Pour le fabuliste qu'il est, fasciné par les symboles et la pureté des émotions, le sexe, une notion bien trop crue et trop facile à interpréter de travers, n'a presque jamais eu sa place dans son œuvre. Ainsi les séducteurs que Spielberg a mis en scène tout au long de sa filmographie (Leonardo Di Caprio dans CATCH ME IF YOU CAN, Indiana Jones en personne ou même Oskar Schindler dans LA LISTE DE SCHINDLER) sont plus proches du glamour du vieil Hollywood que de la sexualité agressive et libérée post 70's.  Ses seuls écarts en la matière (la grivoiserie affichée de 1941, le Las Vegas futuriste de la luxure de A.I., INTELLIGENCE ARTIFICIELLE) sont bien plus le fait des scénaristes impliqués (Bob Gale & Zemeckis, Kubrick) que l'apport de Spielberg. On le voit donc, LA COULEUR POURPRE est totalement cohérent dans la filmographie du grand Steven. Même les sévices sexuels subis par Celie (l'inceste avec son père, la simple violence et le manque de passion des rapports avec Mister) ne sont que brièvement abordés. Ils sont là. Ils existent. Et le spectateur ne peut pas les occulter de son esprit. Mais le cinéaste préfère ne pas s'appesantir là-dessus, considérant à juste titre qu'une image, un plan ou un cadrage équivoque servent bien mieux l'histoire qu'une répétition sans subtilité. 


Avant d'être le portrait d'une communauté, d'une ethnie ou d'une époque, LA COULEUR POURPRE selon Steven Spielberg est avant tout un conte féministe. La guerre des sexes à travers une narration et des effets finalement assez proches d'un Charles Dickens. La photographie extrêmement stylisée, les recours au burlesque et à la comédie musicale, les suspense hitchcockien qui imprègne certaines séquences (Mister pourchassant Nettie de ses assiduités) et la révolte "héroïque" tant attendue de Celie s'éloignent volontairement de la réalité. Ce sont des moments "bigger than life". C'est la logique même du conte. La réalité ne s'immisce ponctuellement que pour mieux illustrer l'aspect cruel inhérent à chaque conte. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la force du message n'en est pas atténuée. LA COULEUR POURPRE s'adresse à tous les publics, peu importe la couleur et les origines. LA COULEUR POURPRE préfère un panorama de portraits de femmes courageuses à un réquisitoire politique en bonne et due forme. Lorsque la conscience "africaine" et "anti-esclavagste" ressurgit à la faveur de la correspondance tardive entre Nettie et Celie, ça n'est que la cerise sur le gâteau. Un pont jeté entre deux continents liés par le sang et un sentiment d'injustice. Un surcroît d'émotions pour un film qui n'en manquent pas.


Ce qui n'empêche pas Spielberg de foirer certains aspects de son métrage. Il y a d'abord la musique. Quincy Jones qui s'évertue à faire du John Williams, ça n'est pas très sérieux. Il y a ensuite le rythme du métrage. LE COULEUR POURPRE est la première incursion de Steven Spielberg dans le domaine du cinéma épique (avec plus de 2h30 au compteur) et ça se sent. Le milieu du film subit de long passages à vides (chaque absence de Shug se fait sentir lourdement) et le dernier quart d'heure tire un peu à la ligne. Ces scories, le sublime EMPIRE DU SOLEIL, sous perfusion du grand David Lean (inspiration majeure de Spielberg), se fera un devoir de les effacer.

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