mardi 3 mai 2011

LE SURVIVANT - 3 mai 2014

Deux nouveaux décès. Un double suicide. Stéphanie et Anne-Sophie. Les deux jeunes filles se sont ouverts les veines dans les douches. C'est Christine qui les a découvertes ce matin, nues, enlacées et baignant dans leur sang. De ma chambre, je n'ai rien vu. En revanche, j'ai parfaitement entendu les deux coups de feu qui leur ont apportés la paix éternelle.

Je ne les connaissais pas beaucoup mais elles me semblaient vraiment amoureuses l'une de l'autre. Choisir de quitter ce monde ensemble, au moment voulu, de la façon voulue, c'est l'une de nos dernières libertés aujourd'hui. Elles ont eu raison d'en profiter. Elles ont accompagnés leur geste d'une lettre d'adieux. Des adieux pour chacun d'entre nous. Elles nous demandent de ne pas les pleurer et de ne pas les envier. De ne pas les pleurer parce que leur suicide n'est pas un échec mais une libération. De ne pas les envier car ce qui les attend désormais, ce n'est ni le paradis ni l'enfer mais l'inconnu. Et l'inconnu, c'est ce qu'il y a de plus terrifiant.

Un service funéraire et un enterrement a été organisé à la tombée du jour. Puisque ma présence était attendue, j'ai consenti à briser ma période de solitude et à venir y assister. Je n'étais qu'une ombre parmi d'autres ombres. Il n'y a pas eu d'élégies, pas de discours. Oubliant un temps son français approximatif, Morrison m'a gratifié d'une faible poignée de main et m'a dit que "I just look like shit". Pas besoin de traduction, n'est-ce pas ? Les murmures ont repris. Certains parlent de quitter le camp. Certains affirment qu'il faut que tout le monde se ressaisissent pour éviter de nouveaux suicide. J'ignore à qui donner raison pour le moment.

Notre cimetière s'est encore agrandi. J'observe les deux nouvelles tombes, fraîchement remplies. A mes côtés, les fantômes qui ne me quittent plus, Carole et Thibault, versent une larme.

Par delà l'enceinte, l'armée des morts toujours grandissante affirme son unité de corps dans un long gémissement. Ils ont faim et leur repas se fait attendre.  


1 commentaire:

  1. Ah, épisode triste et glauque à souhait ... merdum, ça part en sucette, là !

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