dimanche 8 mai 2011

LE SURVIVANT - 8 mai 2014

C'est désormais officiel. Richard Verney n'est plus sergent-chef mais capitaine. Une bien belle promotion pour celui qui nous a laissé à notre sort, Carole et moi, il y a bientôt deux semaines. Sa façon à lui de commémorer un jour férié dont tous ceux qui survivent encore aujourd'hui au fléau zombie n'ont pas grand chose à foutre. Plus personne dans ce camp ne se fait d'illusions sur la fin de notre guerre à nous. Nous sommes en train de la perdre et nous ne connaîtrons jamais d'armistices. Enfin, soyons honnêtes, personne ici n'a envie de faire la fête.

Bien attachée sur son lit à l'infirmerie, perpétuellement plongé dans un paradis artificiel, Thomas Ballantini gémit et délire sans cesse. Il est au-delà de la douleur. Il a franchi cette ligne sur laquelle je danse, en équilibre, tous les jours. Il est devenu fou et dans son esprit de fou, il est sain d'esprit et les fous, c'est nous. Et si il avait raison ?

Le bar des deux Christophe, rêve éphémère d'un semblant de vie sociale, est définitivement fermé. Faute d'alcool et faute de moral. Les projets sur le long terme n'ont plus la côte de nos jours.

S'il continue à se remplir de la sorte, le cimetière ne va pas tarder à dépasser le potager en surface. Je regarde chacune de ces tombes, sur lesquelles personne ne vient déposer de fleurs, et je me retrouve incapable de ressentir la moindre tristesse. Juste de la colère. Je lis chacun des noms et je sers les poings jusqu'à ce que mes ongles s'enfoncent dans mes paumes et que le sang coule.

Je lis et je relis chacun des articles parus sur l'épidémie et je n'y trouve que des questions. Presque aucunes réponses. Des séries hypothèses, entrecoupées de quelques faits qui ne nous avancent à rien. Le virus a t-il été créé en laboratoire ou bien s'agit t-il du Fléau de Dieu ?

Je croise les visages de ceux qui partagent ce camp avec moi, civils et militaires, et je ne vois que des candidats au suicide. Et pourquoi pas un suicide collectif ? Que plus un son ne soit sorti de ma bouche depuis plusieurs jours rend tout le monde curieux, nerveux. Ils ont peur, le moment est idéal. Je pourrai me remettre à parler dès demain et les convaincre que je suis le détenteur d'une Vérité Absolue, fruit d'une intense méditation. Tous me croiraient et feraient de moi leur chef spirituel, leur gourou. Même Verney me suivraient, j'en suis persuadé. Derrière ses airs importants et son attitude autoritaire, il est effrayé, rongé par sa propre lâcheté.  Une fois le camp sous mon contrôle, il me serait aisé de les rassembler et de distribuer des doses mortelles de tranquillisants à la ronde. Je pourrai les regarder mourir puis revenir, et les laisser me dévorer. Tout cela est du domaine du possible. Je le sais.

Dès demain, le blindé et la camionnette de Carole et Kader, réaménagée,partiront en quête de vivres et d'articles nécessaires à notre survie dans les villes les plus proches. Comme au bon vieux temps. C'est alors que Verney a promis de nous montrer à quoi servent les zombies sans mâchoire qui squattent nos cellules. Sans mâchoires et sans bras. J'ai vu les hommes de Verney pénétrer dans les cellules avec des haches et revenir avec des membres sanguinolents enroulés dans des sacs poubelles. Des mains en dépassaient. Ils ont brûlé ces restes derrière le bâtiment A. 
A proximité du tas de cendres, j'ai trouvé une alliance. Je l'ai passée à mon doigts. Sur mon épaule, j'en senti la main froide et blanche et pourrie de Carole se posait.



 

1 commentaire:

  1. Oh, c'est noir, c'est drôlement noir ... Notre héros va se venger mais ensuite, quelle rédemption pour lui ? Le récit doit continuer !!!

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