dimanche 1 mai 2011

LE SURVIVANT - 30 avril 2014

C'est Verney qui est en charge du camp désormais et il va me falloir attendre mon heure. Il s'est assuré que je reste à l'infirmerie pour le moment, sous sédatifs. L'infirmière Gueydan était prête à me filer des doses suffisantes pour voir la vie en rose jusqu'à la fin des temps mais le docteur Denoy est intervenu. Il est de mon côté. Je suis encore vivant, voyez-vous, alors que Verney a raconté une belle histoire à tout le camp à mon sujet. 
Mort criblé de balles. C'est ce que je devrais être à l'heure qu'il est. Et ça aurait très bien pu être le cas. Sauf que Verney a menti et que maintenant tout le monde le sait. Vraiment ?
Ce salaud a plus d'un tour dans son sac. Tout ce bruit, cette confusion, ces morts. Il a "cru" m'avoir vu mourir. Mais il s'est trompé et ce n'est pas sa faute, oh non ! Qui pourrait lui en vouloir ? 
Je ne suis pas parano. N'allez surtout pas croire ça. Verney préférerait me savoir mort. C'est un incapable. Je le sais et si je commence à la crier haut et fort, il y en a beaucoup qui me prêteront attention et qui me croiront. Et ça, ce cas de figure, il n'en veut pas. Il en a peur. Ses décisions seront contestées puis ignorées et alors il ne dirigera plus rien. Il me déteste pour ça. Il m'a détesté dès que je suis entré dans ce camp, à la première minute. 

Pour le moment, je vais le laisser faire. Il va jouer aux petits chefs. Nous allons pleurer nos morts comme il se doit. Nous allons reprendre notre routine. Se lever. Travailler. Manger. Travailler encore. Dormir. Et ainsi de suite. Je vais me faire discret. Verney aurait pu nous sauver, Carole et moi, mais il a préféré nous laisser crever sur ce parking et sauver sa peau. C'est un choix que je vais lui faire regretter amèrement, j'en fais le serment. Mais pas tout de suite. C'est lui que je vais mettre sous sédatifs. Il ne verra rien venir. 
Je ne suis plus le même. Je le sais. C'est à un meurtre que je pense jour et nuit. Un vrai meurtre, pour assouvir une vengeance. Pas juste le fantasme d'un employé frustré qui aimerait bien voir son patron tomber du toit d'un immeuble ou poussé sous une voiture. Un vrai meurtre. Mon cœur bat encore et mon cerveau tourne toujours à plein régime mais Lucas Barillet, celui qui a fui Paris, celui qui avait une vie, un travail, une famille il y a quelques mois, ce type là, ni pire ni meilleur qu'un autre, est mort sur ce parking. Il est parti en fumée.

Je suis devenu comme l'une de ces créatures à l'extérieur de nos murs. Avec une patience infinie, j'attends que ma proie se présente, qu'elle s'approche suffisamment pour que je puisse mordre, mordre et mordre encore jusqu'à la mettre en pièces.

Dès que je ferme les yeux, je vois les fantômes de tout ceux que j'ai vu mourir. Ils me sourient. Ils m'apportent leur bénédiction.

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