samedi 14 mai 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #46 - INDIANA JONES & LE TEMPLE MAUDIT

Réalisé par Steven Spielberg - Sortie US le 23 mai 1984 - Titre original : Indiana Jones & The Temple of Doom.
Scénario : Willard Huyck & Gloria Katz.
Musique : John Williams.
Directeur de la photographie : Douglas Slocombe.
Avec Harrison Ford (Indiana Jones), Kate Capshaw (Willie Scott), Ke Huy Quan (Shortround / Demi-Lune en vf), Amrish Puri (Mola Ram), Roshan Seth (Chattar Lal), ...
Durée : 118 mn.

1935. L'archéologue et aventurier Indiana Jones parvient, de justesse, à échapper à Lao Che, parrain du crime de Shangai. Embarquant en avion, il entraîne dans son sillage Shortround, un orphelin chinois plein de ressources, et Willie Scott, une chanteuse de cabaret. C'est alors qu'il s'écrase en Inde et arrive dans un village dont tous les enfants ont été enlevés, ...


Après deux ans d'absence derrière la caméra, c'est un Steven Spielberg gonflé à bloc qui entame le tournage de ce deuxième film de la série Indiana Jones. Le succès historique d'E.T. a fait de lui le nouveau roi d'Hollywood et sa compagnie de production, Amblin Entertainment, est sur le point de démarrer en fanfare avec le triomphe du GREMLINS de Joe Dante. Succès garanti avant même sa sortie, INDIANA JONES & LE TEMPLE MAUDIT est pour Spielberg le véhicule idéal pour se remettre en forme. Et, plutôt que de jouer la carte de la sécurité en se contentant de "refaire" le premier Indiana Jones, le cinéaste va se livrer à un pur exercice de virtuosité, repoussant les limites de la frénésie spectaculaire et de la censure "tous publics".


Noir comme l'ébène, violent, traversé d'humour noir, de bouffonnerie, de grand guignol (ah ! ce repas d'anthologie aux mets tous plus gerbants les uns que les autres !) et même d'élans misogynes("tu vois petit, l'ennui avec cette femme, c'est qu'elle adore faire du bruit !"), sans temps morts, cette séquelle déjoue les attentes et atomise clairement son modèle. L'ouverture du TEMPLE MAUDIT est là pour marquer sa différence. L'histoire se déroule en 1935, soit avant LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE, ce qui en fait un préquel avant même que cela ne devienne une mode à Hollywood. D'autre part, en lieu et place de la traditionnelle scène d'action, le film ouvre sur ... une comédie musicale, suivie d'une bagarre de bar, réminiscence du 1941 du même Spielberg. Enfin, la dernière idée qui place LE TEMPLE MAUDIT à part dans la saga Indiana Jones est dans son unité de temps : trois jours et trois nuits. Véritable tour de montagne russe, le métrage ne laisse que peu de répit au spectateur, enchaînant poursuites, combats et scènes de comédie ultra-chorégraphiées. 


Conséquence du chaos conjugal dans lequel baignent ses co-créateurs, George Lucas et Steven Spielberg, INDIANA JONES & LE TEMPLE MAUDIT donne une image peu reluisante des femmes (via le personnage de Willie Scott, insupportable dinde blonde égocentrique, maladroite et bruyante) et va très loin dans la représentation de la violence à l'écran. Les cœurs sont arrachés à mains nues, les suppliciés fouettés et brûlés vifs et les enfants sont drogués et maltraités. En plongeant son intrigue dans les mystères du culte de Khali, déesse de la mort, c'est une terrifiante figure du mal que le cinéaste met en scène, bien pire que les nazis de L'ARCHE PERDUE. Face à l'imposant Mola Ram (la vedette indienne Amrish Puri et son regard à vous coller des cauchemars), Indiana Jones ne pèse pas lourd. Forcé de boire le sang de la déesse maudite, le sympathique aventurier va même entamer un voyage au cœur des ténèbres, soumis à la volonté de la secte. Le profond désespoir qui irrigue tout le deuxième acte sert de carburant à un climax hors normes, enfilade ininterrompue de morceaux de bravoure que Spielberg tutoiera mais n'égalera jamais plus dans le domaine de l'action et du spectacle. Combats à mains nues face à un colosse sur un tapis roulant qui mène à un rouleau compresseur, rébellion d'une nuée d'esclaves enfants, course poursuite en wagonnet dans les mines, fuite inespérée face à un mur d'eau, affrontement sur un pont suspendu. Je pourrais continuer encore longtemps. 


Tout au long du film, le cinéaste se lance quantité de défis impossibles pour mieux se dépasser. Chaque plan, riche en détails et en prouesses techniques, est un travail d'orfèvre. Le montage aligne bon nombres d'actions en parallèle sans le moindre souci de clarté. La photographie magnifie autant les paysages naturels que les nombreuses séquences nocturnes. La musique de John Williams est une mécanique imparable. Quant au casting, il brille de milles feux, Harrison Ford en tête et dont le tournage , incroyablement physique, finit par l'envoyer à l'hôpital avec un risque de paralysie permanente. 


Objectivement meilleur que L'ARCHE PERDUE, LE TEMPLE MAUDIT ne jouit pourtant pas de la même aura auprès du public et des critiques, tous perplexes face à un blockbuster à la fois ultra-spectaculaire et généreux mais également très éloignés des standards du politiquement correct reaganien qui, peu à peu, s'installait alors. Ce n'est pas un film facile à aimer. Mais pour ceux qui savent se montrer réceptif face à une telle richesse, ce deuxième opus est un incroyable objet de fascination et une leçon de cinéma. 

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