Je suis sorti de l'infirmerie ce matin. Une cérémonie à la mémoire des dernières victimes a eu lieu. Denoy et d'autres ont voulus que je prenne la parole pour parler de Carole, de Thibault, de Larivière et des autres. Mais j'ai refusé. D'une part, je ne suis pas doué pour les speechs. Et d'autre part, ça risquerait de contrarier Verney et je ne veux pas le contrarier. Je veux qu'il m'oublie. Le nom des morts a été gravés sur une plaque de bois fixée au mur du bâtiment D, puis Kader et Verney ont dit quelques mots. Je ne les ai pas écouté. Rien de ce qu'ils avaient à dire n'a d'importance pour moi. J'ai déjà eu "ma" cérémonie. J'ai brûlé les corps.
Un repas a suivi la cérémonie. Les Ballantini m'ont fièrement présenté leur bébé, le nouveau né auquel je ne pensais même plus. Un garçon nommé Léopold. Un beau bébé mais ... qui aurait mieux fait de ne pas venir au monde dans un monde si merdique. J'ai souvent entendu parler de la mort subite des nouveaux-nés. Franchement, c'est peut-être bien ce qu'il pourrait lui arriver de mieux de nos jours. Est-ce si monstrueux que ça de voir les choses ainsi ? A vous de me le dire. Moi, question morale, je suis en rupture de stock.
J'ai pas beaucoup mangé. Pas faim. Pas faim du tout. En entamant un régime drastique, je me demande si je vais pouvoir accorder mon physique à mon état d'esprit. Desséché. Verney ne se méfiera pas d'un squelette dépressif. Peut-être même qu'il me prendra en pitié.
Le soleil commence à taper fort. J'ai passé l'après-midi sur le chemin de ronde. A observer les zombies. Ils ne sont de plus en plus nombreux et nous sommes de moins en moins. Inlassablement, ils se rapprochent de nos murs, attirés par l'odeur. Nous ne sommes qu'un minuscule îlot au milieu d'un ban de piranhas. Les soldats qui restent ne semblent pas pressés de faire le ménage. Ils laissent venir. Leur instinct de survie s'émousse. La lassitude s'installe.
Avant d'aller dormir, j'ai eu une longue conversation avec Carole. Je ne suis pas fou. Je sais qu'elle est morte, qu'il n'en reste que des cendres. Mais elle est pourtant là, avec moi. Elle ne me quitte plus et me conseille. Elle ressemble à tous les cadavres ambulants dehors. Sa peau grise, ses yeux couverts de cataracte, le filet de sang noir qui s'échappe de sa bouche et de ses narines ont mis un terme à sa beauté. Mais contrairement aux zombies, elle peut encore parler et sourire. Elle sait à quel moment je devrai tuer Verney et quand je serais prêt, elle me le dira.
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