vendredi 13 mai 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #44 - L'AUBE ROUGE

Réalisé par John Milius - Sortie US le 10 août 1984 - Titre original : Red Dawn.
Scénario : John Milius et Kevin Reynolds.
Musique : Basil Poledouris.
Directeur de la photographie : Ric Waite.
Avec Patrick Swayze (Jed Eckert), Charlie Sheen (Matt Eckert), C. Thomas Howell (Robert Morris), Lea Thompson (Erica Mason), Jennifer Grey (Toni Mason), Brad Savage (Danny), Powers Boothe (Lt Col. Andrew Tanner), Harry Dean Stanton (Tom Eckert), ...
Durée : 114 mn.

Lorsque le territoire américain subit une invasion surprise par les forces armées du Bloc Communiste, déclenchant ainsi la Troisième Guerre Mondiale, des adolescents d'une petite ville du Colorado prennent le maquis et entament une guérilla impitoyable, ...


S’il est un film souvent incompris par la majorité des critiques, c’est bien L’AUBE ROUGE. Considéré comme un bête pamphlet anti-communiste, belliqueux et pro-Reagan, le film de John Milius ne peut pas et ne doit pas être ramené à ces clichés. Il vaut bien mieux que cela. En s’attachant à l’histoire d’un groupe de jeunes gens organisant une guérilla sans pitié contre l’envahisseur soviétique et cubain, le réalisateur de CONAN LE BARBARE livre le portrait enflammé d’une poignée de guerriers (et ce, quelque soit leur camp) et analyse les mécanismes d’un mouvement de résistance. Ses débuts, ses succès, sa légende mais aussi ses dérapages et ses tragédies. 

Les Wolverins au grand complet prennent la pose.

 Dès ses premières secondes, L’AUBE ROUGE s’identifie avec clarté comme étant une pure fiction. Milius imagine, à grands renforts de statistiques inventées, les U.S.A. comme isolés sur la scène internationale face au bloc soviétique qui domine pas loin des deux tiers de la planète. Ces cartons d’informations renforcent la crédibilité de cet univers parallèle (indispensable pour le spectateur s’implique dans l’histoire) tout en ne laissant aucuns doutes sur les intentions du cinéaste. Conteur par nature, John Milius joue avec L’AUBE ROUGE au jeu toujours passionnant du « et si ? ». L’affiche du film en rajoute même une couche : « Les Etats-Unis n’ont jamais eu à subir d’invasion sur leur sol. Jusqu’à présent. » Cette base fictionnelle solidement établie, L’AUBE ROUGE peut s’intéresser aux tourments et à la lutte des Wolverines, des adolescents que la situation va plonger dans la violence et la cruauté de l’âge adulte. Jalonnant son histoire d’étapes marquées (dont une superbe séquence de chasse où le leader du groupe encourage le plus jeune à boire le sang d’un cerf fraîchement tué, geste viril et ancestral), John Milius assimile le mouvement de résistance à un long rite initiatique où l’enfant devient un homme, et où l’homme meurt pour laisser place à la légende. Extrêmement linéaire, L’AUBE ROUGE refuse tout retour en arrière et affirme que le destin de tout soldat est inéluctable. Le tout dans un mélange de fascination et de lucidité absolue. En effet, pour bien montrer qu’il ne cautionne aucun manichéisme, John Milius n’hésite pas une seule seconde à remettre en cause la sympathie du spectateur pour les héros. Par leur maladresse, par leur difficulté initiale à s’entendre. Et surtout, en les montrant résolu à fusiller froidement l’un des leurs pour cause de trahison (trahison motivé uniquement par sentiment et non par cupidité), les jeunes héros reproduisant alors les mêmes actes que ceux perpétrés par leurs ennemis une bobine plus tôt. Dans leur lutte pour la victoire, les belligérants en viennent à se rejoindre. Seul le « bon droit » de l’occupé les différencie en fin de compte. C’est une caractéristique vitale du discours prôné par John Milius. Celui qui se bat avec hardiesse et abnégation pour sa terre et le souvenir de ses aïeux (et non pas pour un drapeau, la différence est bien présente) est assuré de la victoire et d’inscrire son nom dans la légende.
Autre paradoxe, le personnage auquel Milius s’identifie le plus évidemment est … un russe. Interprété avec autorité par William Smith (et qui jouait déjà le père de Conan pour ce même Milius), le personnage du Colonel Strelnikov incarne le chasseur, le stratège et le conquérant, réminiscence soviétique du grand Khan évoqué lors de la scène d’ouverture. On ne peut pas s’empêcher de voir dans cet homme méthodique, combattif et qui ne renonce jamais, l’autoportrait d’un cinéaste qui aime à se faire appeler « le Général » et qui n’a de cesse de comparer ses tournages à des batailles pensées pour être remportées. Il est un mythe qui, dans la douleur, forge d’autres mythes.

Jennifer Grey et Lea Thompson. Avant de faire rêver des légions d'adolescent(e)s dans DIRTY DANCING et RETOUR VERS LE FUTUR, elles interprétaient ici de farouches amazones.

John Milius, cinéaste partial ? L’AUBE ROUGE, un film de facho ? Faux et toujours faux. Il faut oublier le contexte du tournage (la Guerre Froide) pour se concentrer sur l’essentiel. C’est un conte à valeur universelle, spectaculaire et intense (l’ouverture du film avec son invasion éclair venant balayer un morne quotidien est un modèle d’écriture, de montage et de mise en scène). Un grand film, tout simplement. Intemporel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire