mercredi 6 avril 2011

LE SURVIVANT - 6 AVRIL 2014

Nous commençons à nous organiser correctement. Dormir à tour de rôle n'est pas si mal. Même si je ne fais pas encore totalement confiance à Sandrine, laisser le soin à quelqu'un d'autre de surveiller les zombies m'a permis de vraiment dormir. Un peu mieux en tous cas. 
Son caractère va d'un extrême à l'autre. Soit elle rit aux éclats de mes blagues douteuses, soit elle broie du noir et se referme sur elle-même. Pas de juste milieu. Je ne sais toujours pas ce qu'elle a vu, ce qu'elle a traversé. Je me doute que c'est du costaud. Comment pourrait-il en être autrement ?
Je lui ai posé la question pour l'alliance. Elle m'a dit qu'elle a été marié mais c'est tout ce qu'elle a bien voulu lâcher. Quelque chose dans son regard m'a convaincu de ne pas insister. Chaque chose en son temps. 
J'ai aussi appris son nom de famille. Sandrine Lazaro. Nom de jeune fille ? Là aussi, je me demande.

Nous avons profité de la matinée. L'église est un refuge sûr. Petit déjeuner copieux, un brin de toilette (j'ai enfin pu raser ma barbe) et petit apéro en tapant le carton. Le curé du coin devait être un bon vivant. Nous avons trouvé plusieurs bouteilles de vin, de whisky et de gin dans sa réserve personnelle. Loué soit le Seigneur pour ces bienfaits alcoolisés ! Et tant pis pour le blasphème ...ce qui se ballade à l'extérieur est bien plus terrifiant que la colère d'un Dieu auquel je n'ai jamais cru.

Nous nous sommes remis en marche en début d'après-midi. Repus. Reposés. C'est pas pour autant qu'on a abattu une sacré distance. Dix petits kilomètres à vue de nez. Notre halte du soir : Boismorand. Une station essence remplace l'église de la veille. On enquille bled paumé sur bled paumé. C'est pas glorieux mais au moins on évite les grandes parades de morts-vivants. Le plus étrange, c'est que tous ces coins ont l'air si faciles à défendre. Pourquoi les gens les ont-ils fui aussi vite ? J'ai une théorie, pour ce qu'elle vaut. Dans des villages aussi petits, des hameaux parfois, tout le monde doit se connaître. Lorsqu'il a fallu tirer des balles dans la tête de son voisin, de ses amis, ça a pas dû être facile. Impossible même. Ceux qui ne sont pas partis se sont sûrement fait boulottés, incapables d'ouvrir le feu sur des visages si familiers. C'est ce que je me dit. 

En chemin, nous avons croisé un autre barrage militaire. Abandonné. Avec mitrailleuses lourdes, blindés et tout le tremblement. L'envie d'enfourcher un de ces engins pour aller bousiller du mort-vivant m'a tenté un court instant. Déclarer une guerre à moi tout seul. Afflux de testostérones. On ne se débarrasse pas de ses réflexes de gamer avide de destructions en tous genre aussi vite. La vie, la vraie vie, elle est là devant moi, 24h sur 24h, dans toute son absurdité et son horreur. Et pourtant ... je crois bien que je sucerais un veau pour mettre la main sur un fusil à plasma et une armure d'invincibilité. Non, on ne se refait pas. Fin du monde ou pas.

Je m'endors avec cette certitude : Sandrine et moi ne sommes pas seuls. Tout est parti en sucette si vite. Mais j'ai du mal à croire que TOUTE l'armée y soit passée. 

Mais, elle. Quelles sont ces certitudes ? Putain, à part son coup de crosse de compétition, son rire de pintade et ses excès de mélancolie, je sais vraiment rien d'elle. Va falloir combler les blancs dans sa biographie le plus vite possible. Pour l'instant, on se serre les coudes et ça fait du bien de plus être seul. Mais si on veut que ça dure, il faut qu'on se parle vraiment. Je veux savoir si, en cas de coups durs, elle vaut le coup que je prenne des risques ou si il est préférable de la laisser en amuse-gueule aux morts-vivants le temps que je taille la route. Je veux savoir.


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