mardi 5 avril 2011

LE SURVIVANT - 5 AVRIL 2014

Je me suis encore fait avoir comme un bleu. 
Quel con !
Le fusil de Sandrine n'a jamais été chargé. Je me suis fait tenir en respect par une arme vide pendant plusieurs heures. Le pot aux roses, je l'ai découvert pas plus tard que ce matin. Lorsqu'elle a défoncé la tête de deux zombies à coup de crosses. D'ailleurs, pour une fille aussi menue, elle pourrait en remontrer à des générations d'hommes des cavernes dans le maniement de la massue. Il ne lui a fallu qu'un seul coup par mort-vivant. 
"Je suis tombé à court de cartouches il y a trois jours. Et c'est pas plus mal. Pour un zombie zigouillé, le bruit du canon en rameute une quinzaine." Voilà pour son explication, texto.
Un peu comme un gamin, j'ai passé les trois heures suivantes à lui tirer la tronche, sans décrocher un mot. Tout ça avant de me rendre compte que j'ai enfin quelqu'un à qui parler et que, pour une banale histoire d'égo froissé, j'allais prendre le risque d'envenimer les choses entre nous. 
J'ai fini par briser la glace. J'ai raconté une blague. Pas très drôle la blague en fait. Mais ce qui me surprend, c'est que je suis encore capable de raconter une blague dans des circonstances pareilles. Une partie de notre cerveau, commandé par l'instinct à mon avis, s'efforce de faire comme si de rien n'était. Comme si les silhouettes décharnés et puantes qui se dandinent tout autour de nous, vers nous, n'étaient rien d'autres que des passants juste un peu bourrés et pas des cannibales voraces et déterminés. Comme si notre fuite vers le sud n'était qu'une paisible randonnée entre potes. Un mécanisme de défense au limite du surréalisme pour éviter de sombrer dans la folie. Un peu paradoxal, non ?
Vous voulez que je vous la raconte ma blague ? Elle passe en boucle dans ma tronche, comme un disque rayé. Peut-être qu'en la couchant sur le papier, elle me laissera tranquille. Je vous préviens, elle est naze cette blague : Deux amis ont pris pour habitude de venir boire une bière dans le même bar depuis au moins un an. L'un deux est sur le point de déménager très loin et demande à l'autre de continuer à lui venir boire une bière pour lui tous les jours pour lui, en souvenir. Le lendemain donc il revient et commande deux bières. Un peu curieux, le barman lui demande pourquoi et l'autre lui explique. Plusieurs mois se passent et l'habitude persiste. Puis, un soir, le type ne commande qu'une seule bière. Le barman lui demande si son ami est revenu. Le type répond : "Non, j'ai juste décidé d'arrêter de boire."

Je me suis remis à compter les zombies éliminés. Quatorze aujourd'hui. Quatre pour moi, le reste sur le compte de Sandrine. Elle a le coup de crosse facile. Elle en a quand même raté un en fin de journée. Elle a touché la mâchoire. Les dents du zombie ont volés un peu partout, comme des projectiles. Je sais de quoi je parle. Je m'en suis pris deux dans la gueule. Dégueulasse. C'est moi qui ai fini par lui régler son compte à celui-là.

Nous avons correctement avancé. Une vingtaine de kilomètres au compteur. Nous allons poser notre barda à Saint Firmim les Vignes pour la nuit. Nous avons trouvé à nous abriter dans une église. Les portes sont solides. On en a chié pour les ouvrir nous, alors je doute que les zombies parviennent à les faire plier. Aucune chance.
J'écris ces mots alors que Sandrine dort déjà depuis une petite heure. Nous avons parlé de tout et de rien en marchant. Mais pas de qui nous étions vraiment. Je ne la connais pas du tout. Et elle ne sait pas grand chose de moi non plus, juste l'essentiel.
J'ai remarqué néanmoins deux choses. D'abord l'alliance à son doigt. Ensuite, elle n'arrête pas de fourrer sa main dans sa poche, à tripoter quelque chose. Un fétiche peut-être. Demain, je lui posera les questions. Si on doit faire un bout de chemin, autant ne pas avoir de secrets l'un pour l'autre. De nos jours, les surprises peuvent tuer.


2 commentaires:

  1. Heu, les bleds évoqués existent pour du vrai ? (j'suis curieux :-)

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  2. Oui, toutes les villes ou villages évoqués existent vraiment.

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