lundi 4 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 # 7 - CRUISING / LA CHASSE

Réalisé par William Friedkin - Sortie US le 15 février 1980 (avant première new-yorkaise le 8 février 1980).
Avec Al Pacino, Paul Sorvino, Karen Allen, ...


Après l'épouvante (L'EXORCISTE), le film d'aventures (LE CONVOI DE LA PEUR) et la comédie (TÊTES VIDES CHERCHE COFFRES PLEINS), Friedkin revient au polar avec CRUISING, plongée étouffante et sans compromis dans les milieux SM gays de la Grosse Pomme.
Si les premières minutes du film évoquent bien sûr le réalisme documentaire de FRENCH CONNECTION (sans oublier non plus la longue filature diurne au centre du dernier acte, clin d'œil en forme de leurre), le cinéaste s'en éloigne progressivement pour mieux décrire cette virée au bout de la nuit. Avec ses éclairages bleus stylisés, ses tableaux d'orgie aussi fascinants que parfois effrayants, ses longs regards caméras lourds de menaces et de non-dits, William Friedkin s'attache à nous faire ressentir aussi viscéralement que possible le cauchemar qui, peu à peu, corrompt l'âme de Steve Burns (Al Pacino, dans une de ses prestations les plus saisissantes), jeune policier propre sur lui, chargé d'infiltrer les bars gays pour traquer un serial-killer. Bien plus encore que dans L'EXORCISTE, William Friedkin y exploite son thème fétiche : la corruption d'une âme innocente par son environnement. C'est un voyage sans retour qu'effectue Steve Burns, remettant en question sa conception de la virilité et de la morale. Jusqu'à un épilogue à l'ambiguïté totale  (Burns est-il devenu le monstre qu'il traquait, sa fiancée va -telle l'imiter ?).
Violemment critiqué à sa sortie, censuré, CRUISING n'y va pas par quatre chemins pour décrire les milieux gays des nuits new-yorkaises. Friedkin y décrit là rien moins que l'enfer sur Terre, une succession ininterrompue de débauche charnelle, une série de tentations impossible à effacer de sa mémoire. CRUISING peut-il pour autant être taxé de film homophobe comme cela le lui fut longtemps reproché ? Non. Car Friedkin épouse avant tout le regard et la morale vacillante de son personnage principal dans un exercice de subjectivité purement cinématographique. Ensuite, il n'est à aucun moment question de poser un jugement de valeur sur ce qui nous est montré, tant les frontières entre le bien et le mal sont très vite occultées pour laisser place à un onirisme plus ou moins explicite. William Friedkin ne diabolise donc jamais l'homosexualité mais préfère démontrer la nature profondément influençable et imprévisible de l'âme humaine.
Dans son formalisme prononcé et ses prises de risques toujours plus étonnantes, CRUISING annonce la décennie à venir pour William Friedkin (LE SANG DU CHÂTIMENT, POLICE FEDERALE LOS ANGELES, ...) et démontre si c'était nécessaire la faculté du bonhomme à traumatiser durablement la rétine des spectateurs les plus blasés.

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