mercredi 20 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #22 - BLADE RUNNER

Réalisé par Ridley Scott - Sortie US le 25 juin 1982.
Scénario : Hampton Fancher et David Webb Peoples, d'après le roman "Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?" de Philip K. Dick.
Musique : Vangelis
Directeur de la photographie : Jordan Cronenweth.
Avec Harrison Ford (Rick Deckard), Sean Young (Rachel), Rutger Hauer (Roy Batty), Daryl Hannah (Pris), Edward James Olmos (Gaff), ...
Durée : 117 mn (montage original).




Pour sa première incursion en terre hollywoodienne, l’esthète british Ridley Scott adapta Philip K. Dick et bouleversa durablement la donne en matière de science-fiction au cinéma. Souvent galvaudé, l’expression trouve pourtant ici tout son sens : il y a un avant et un après BLADE RUNNER. Polar noir au spleen contagieux et magnifique, combiné à une réflexion sur la nature humaine, BLADE RUNNER brouille les pistes et affirme une identité visuelle hors du commun.
Attaché à l’ambiance de sa région natale (le nord industriel de l’Angleterre), Ridley Scott noie ses décors monumentaux, fourmillant de détails qu’une seule vision ne saurait appréhender, sous une pluie continue, la fumée de la pollution urbaine et une foule bigarrée, multiethnique et bruyante. Los Angeles en 2019 est une mégalopole grouillante, envahie par des publicités scandant un ailleurs (les colonies de l’espace) forcément meilleur. Les espaces ont beau être vaste, la vision du futur de Scott est étouffante, claustrophobique. Tout le contraire (en apparence du moins) du San Francisco dépeuplé et silencieux du roman de Dick. Pour autant, si ce n’est pas par la lettre, c’est par l’esprit que BLADE RUNNER rend un hommage indiscutable à l’auteur de UBIK et du DIEU VENU DU CENTAURE. Là aussi, il est question de désolation, de nostalgie, de la quête d’un « monde » meilleur et de pertes des repères. 



Qui est le héros ? Qui est le méchant ? Ce sont là des considérations dont il faut se débarrasser que l’on aborde le roman de Dick ou le film de Scott. Deckard (Harrison Ford, bien loin d’Indiana Jones ou de Han Solo) a beau porter un flingue et un badge, il n’est rien d’autre qu’un fonctionnaire esseulé dont le seul talent semble être la traque et le meurtre. Quant à Roy Beatty (Rutger Hauer et son regard bleu acier hypnotique), nexus 6 d’élite, et ses compagnons d’infortunes, tous des répliquants comme lui  (des êtres humains artificiels), les actes qu’ils commettent ne sont motivés que par la plus humaine des aspirations : rencontrer son créateur pour le supplier de les laisser vivre juste un peu plus longtemps. Que dire de Rachel également (Sean Young, fragile et belle à se damner), qui échappe au cliché de la femme fatale en abandonnant bien vite son aplomb pour se mettre à douter d’elle-même, de ses réactions et de souvenirs qui ne sont pas les siens ? BLADE RUNNER se joue des attentes du public avec intelligence, laissant même au « méchant » le soin de sauver le « héros » d’une mort certaine lors d’une confrontation finale aux enjeux incertains. Pas d’explosions, pas de retournements de situations tonitruants. C’est une audace qui fit du film une déception pour ses créanciers qui prirent le contrôle en salle de montage pour rajouter une voix off explicite et un happy-end superficiel, pour le public qui espérait un nouveau STAR WARS et pour la critique qui se divisa entre admirateurs et détracteurs reprochant au film un esthétisme qui cacherait un scénario inexistant (facile et on ne peut plus faux). 



Techniquement parlant, BLADE RUNNER n’accuse à aucun moment son âge. Les effets visuels de Douglas Trumbull sont d’une beauté irréelle et la photographie de Jordan Cronenweth, moderne et sophistiquée, continue encore aujourd’hui de faire des émules. Le score de Vangelis est lui aussi gravé dans les mémoires de générations de musicophiles. De nombreux films de science-fiction (tous ?) ont cherché à imiter BLADE RUNNER au fil des ans, lui volant ici ses voitures volantes et là ses buildings cyclopéens, n’en retenant que son esthétique pour négliger sa richesse émotionnelle et philosophique. Ridley Scott, pour sa part, a tourner le dos au futur et n’a plus jamais atteint (même s’il les a approché) de tels sommets.


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