lundi 11 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #14 - EVIL DEAD

Réalisé par Sam Raimi - Sortie US le 15 octobre 1981 (Detroit, Michigan).
Avec Bruce Campbell, Ellen Sandweiss, Betsy Baker, ...


Quand le potache devient virtuose. Œuvre bricolée sur plus d’un an entre amis, EVIL DEAD est une spectaculaire carte de visite pour le très jeune (à l’époque) Sam Raimi. Développée à partir d’un moyen-métrage estudiantin intitulée WITHIN THE WOODS (et déjà interprété par Bruce Campbell), l’intrigue d’EVIL DEAD mélange le film de maison hantée, le huis-clos zombiesque sous influence (de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS de Romero principalement) et le survival et y injecte une dose salvatrice de gore décomplexé et d’humour cartoonesque à la Chuck Jones. Le tout emballé avec un savoir faire indéniable et à grand renfort de travellings endiablés.
Suggestif et atmosphérique dans son premier tiers, Sam Raimi fait monter la sauce autour de son livre maudit (le Nécronomicon Ex Mortis, joli clin d’œil à Lovecraft soit dit en passant) et de sa bande de jeune isolée dans une cabane. Les bois semblent habités par une présence maléfique et invisible, observant sans répit ses futures victimes et la bande-son aligne violons hermanniens, craquements et râles menaçants. Classique ? Oui, mais le respect sincère des codes du genre et l’ambiance pesante, étouffante servent de tremplin idéal à la folie qui va s’emparer du reste du métrage pour ne plus lâcher prise jusqu’au dernier plan. Le basculement s’opère à la faveur d’une scène de viol aussi brutale qu’inattendue. Perdue en pleine nuit dans la forêt, l’une des filles du groupe se fera encercler, attacher et enfin agresser sexuellement par … des branches d’arbres possédées. Si l’image d’une nature hostile et meurtrière n’est pas nouvelle, la représenter comme un être vivant, littéralement « animée », dans une série de plans aussi démonstratifs et outrés annoncent la couleur. Raimi s’est fixé pour but d’entraîner le spectateur dans un tour de montagnes russes grand guignolesque et il va falloir s’attendre à tout.
Va s’en suivre un sanglant jeu de massacre qui verra périr (puis revenir sous la forme de démons indestructibles) la quasi-totalité du casting. Auto mutilation, objets pointus en tous genres venant mutiler les chairs, démembrement à la hache. La violence affichée par EVIL DEAD est excessive, douloureuse, frénétique. L’horreur se teinte d’un surréalisme de bande dessinée novateur et galvanisant. Dans sa logique de surenchère juvénile, EVIL DEAD plonge le cinéma d’horreur dans une nouvelle ère, ludique et immersive. En multipliant les travellings en vue subjective, Sam Raimi place le spectateur dans la peau du démon et dans l’anticipation fiévreuse des prochaines attaques sur la personne de l’ultime survivant, véritable souffre douleur du cinéaste.
Presque totalement dénué de dialogues, les dernières vingt minutes qui illustrent la lutte désespérée de Ash, seul membre de sa bande à ne pas avoir succombé à la possession, constituent un vrai tour de force. EVIL DEAD franchit un ultime pallier stylistique, entre abstraction et formalisme débridé. Bruce Campbell, collaborateur et ami du réalisateur, encaisse les coups et la torture psychologique de ses poursuivants et se fait asperger d’hectolitres de sang pour le plus grand plaisir d’un public sadique et complice.
Avec ses effets spéciaux rudimentaires, ses erreurs de continuité résultant d’un tournage amateur, son micro budget et ses acteurs inconnus, EVIL DEAD transforme ses faiblesses en autant d’atouts qui contribuèrent à renforcer sa réputation de film fou. « The Ultimate Experience in Gruelling Terror » clame le générique de fin. Une expérience. EVIL DEAD ne se regarde pas, il se vit.   


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