Le capitaine Thibault en personne est venu me réveiller ce matin. Je n'ai jamais eu beaucoup de sympathie pour les militaires mais ce type-là n'est pas comme les autres. J'en ai connu des leaders, des chefs naturels, mais aucun ne lui arrive à la cheville. Quand j'ai ouvert les yeux, il se tenait là assis sur le bord de mon lit, parfaitement droit, une tasse de café à mon intention. Je crois que si il demandait à ses soldats de sortir du camp sans armes pour nettoyer toute la vermine zombie à mains nues, ils s'exécuteraient sans réfléchir. Ce qui est assez effrayant quand on y pense ...
Il ne m'a pas posé beaucoup de questions. Mon nom il le connaissait déjà, grâce à Kader et Carole. Ce qu'il voulait surtout savoir c'est comment j'avais survécu à l'extérieur et depuis combien de temps. Je lui ai parlé de l'incendie qui faisait rage dans Paris et qui m'a poussé à prendre la fuite et ça n'a pas semblé l'inquiéter, comme s'il le savait déjà. L'entretien n'a pas duré plus de quinze minutes puis il m'a laissé. Mon café et mes tartines terminées, j'ai voulu me lever et j'ai failli me ramasser en beauté. Les médicaments font toujours effet et s'ils tuent la douleur, ils en font de même avec mon équilibre.
C'est à ce moment que Kader a fait son entrée. Il m'a aidé à me rasseoir. Rasé de près, propre et frais, il m'a parlé de leurs douches, eau chaude et tout. Comme un gamin à qui on vient d'offrir un nouveau jouet. Il m'a expliqué qu'il avait passé une bonne partie de la matinée à rencontrer les personnes présentes dans le camp. Un sous-officier, Verney, lui a fait visiter à lui et Carole une bonne partie du camp. A l'écouter, ce Verney a l'air d'être un sale con prétentieux. J'en jugerai par moi-même. Puis Kader est parti et m'a laissé seul avec l'infirmière et le médecin du camp, le docteur Denoy. Encore un nouveau visage. Grand et tout sec, barbu et une tignasse de soixante-huitard ! La cinquantaine bien passée. Un type sympa, un peu trop paternaliste, comme tous les docteurs en fait. Il m'a raconté qu'il venait d'Orléans où il exerçait en tant que généraliste. Il a quitté la ville avant l'évacuation générale avec sa fille de dix huit ans pour prendre la route et rejoindre Lyon. Ils n'y sont jamais arrivés et sont restés coincés dans une supérette à une vingtaine de kilomètres au nord du camp. Lorsque je lui ai demandé si sa fille était aussi ici, j'ai compris que j'avais commis une gaffe rien qu'à son regard. "Elle est restée là-bas", ma t-il simplement dit. Le silence qui s'en est suivi n'a pas duré trop longtemps. Avant de me quitter à son tour, il m'a recommandé de rester encore aujourd'hui au repos. En fait non, il ne me l'a pas recommandé, il me l'a ordonné.
Je n'ai donc toujours pas quitté l'infirmerie. Carole est venue en fin d'après-midi m'apporter de la lecture et me laisser une info à laquelle je ne m'attendais pas. Ce camp a une prison. Trois cellules. Le mitard quoi. Et il y a quelqu'un d'enfermé à l'intérieur. Un pédophile d'après la rumeur, amené ici par une policière.
La nuit tombe. Une étrange odeur de brûlé me pique les narines. J'ai demandé à l'infirmière. Ils brûlent les zombies qu'ils ont flingués hier. Un bon gros bûcher de cadavres. Le cul ici, j'en oublierai presque que dehors l'épidémie continue de faire rage et que les morts n'ont pas abandonnés leur envie de bouffer les vivants. Je me demande quel justice peut-il y avoir à ce qu'un pédophile puisse réchapper à ça ...
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