vendredi 22 avril 2011

LE SURVIVANT - 22 avril 2014

J'ai de l'avance sur mon calendrier. Ce matin, l'infirmière Gueydan m'a retiré mon écharpe, puis elle m'a changé les bandages et les pansements. Je me sens comme neuf, ou presque. Avec une belle cicatrice. Blessure de guerre. L'épaule et le bras me font encore un peu mal, mais c'est supportable. Je vais VRAIMENT pouvoir me rendre utile maintenant.
L'entraînement au tir commence demain. Aujourd'hui, on peut dire que j'ai profité de mon dernier jour de "vacances". 

Partout dans le camp, la cohabitation, la vie en communauté au long terme, s'organise.Même si les militaires et les civils continuent de vivre séparés. Le mélange n'est pas encore à l'ordre du jour. Mais cette barrière finira par tomber, j'en suis certain. Et plus tôt que prévu.

L'aménagement du bâtiment D est presque terminé. Les derniers panneaux solaires sont en place. Nous avons Mr Morrison a remercier pour ça. Peu importe son français approximatif, l'homme a abattu un sacré boulot. Le générateur est parfaitement opérationnel. Il y a aura toujours des coupures d'électricité, comme il nous l'a précisé, mais elles seront moins nombreuses et moins longues. 
Tous les lits restants ont été installés et le nouveau dortoir est prêt à recevoir les treize soldats (qui dormaient un peu partout) dans de bonnes conditions. Thibault et Verney, eux, continueront d'occuper l'état-major. 
La bibliothèque a beau être artisanale, Frédéric la considère comme "temporairement" achevée. Son projet d'enclos à bétail, en collaboration avec Babacar sera terminé dans deux jours. Un espace dans les réserves a été aménagé pour le fourage, la nourriture des bestiaux, etc ...
C'est un tout autre projet qui concentre l'attention du camp pour le moment. Une petite surprise en fait. Les deux Christophe vont ouvrir un bar, oui monsieur. En utilisant ce qui aurait dû être un messe pour officiers, et avec l'accord (que dis-je ? la bénédiction !) du capitaine Thibault, ils ont récupéré toutes les réserves d'alcool pour mettre leur idée sur pied. Un lieu de détente pour tous. Que serait notre beau pays, notre civilisation sans un bar ? Cette idée, dois-je le préciser, est la bienvenue pour tous le monde. Les règles qui entoureront le bar des deux Christophe seront néanmoins très strictes et je n'y trouve rien à redire. Quatre heures d'ouverture par jour, pas une minute de plus. L'alcool sera rationné. Mais la socialisation sera encouragée. Pour ma part, j'entends bien devenir un client régulier. L'ouverture aura lieu demain.
La dernière innovation du bâtiment D concerne l'équipement radio et informatique. Nous allons continuer de lancer des bouteilles à la mer. D'autres camps militaires, d'autres refuges, proches ou éloignés, vont bien finir par nous entendre. Le poste sera tenu 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les réseaux internet et téléphoniques, toutefois, restent silencieux, morts. Toujours aucunes nouvelles de l'extérieur. Verney est celui qui se montre le plus confiant quant à une amélioration. Confiant et impatient même. Il est convaincu que des renforts vont se manifester d'un jour à l'autre et qu'une contre-offensive va se mettre en place. Il continue de rêver d'une nouvelle guerre éclair, victorieuse, glorieuse. Je pense qu'il se trompe. J'ai quitté Paris depuis bientôt un mois. Ce camp a beau être porteur d'espoirs, je ne me leurre pas pour autant. Le monde tel que nous le connaissions n'existe plus. La guerre est terminée et nous l'avons perdu. Nous pouvons continuer à dresser des barrières entre nous et les zombies, nous ne parviendrons pas à ignorer leur présence et ce en raison d'un simple fait : ils sont en surnombre. Je me souviens d'une des dernières nouvelles diffusées à la télévision avant que le black out médiatique ne s'étende, une nouvelle affreuse se distinguant d'un millier d'autres. Un hôpital à Amiens n'avait pas pu être évacué à temps. Les morts-vivants s'étaient répandus dans le bâtiment à une vitesse stupéfiante. A deux ou trois exceptions près, personne n'en avait réchappé. Il y avait une trentaine de nouveaux-nés dans la maternité, abandonnés à leur sort. Vous voyez où je veux en venir ? Un échantillon de nouvelle génération balayé en quelques minutes. C'est un exemple, mais ce n'est pas un cas isolé. ça donne à réfléchir.


Carole s'est définitivement installée avec moi. Nous évitons les longues conversations. Nous ne nous comportons pas non plus comme des lapins ou des bonobos, mais nous profitons de la vie. S'endormir dans les bras l'un de l'autre est une sensation agréable, addictive même. Ce soir, elle m'a fait promettre une chose. Si elle venait à se faire mordre, elle veut que je lui mette une balle dans la tête sans attendre, que je ne la laisse pas aller au bout de la transformation. Parce que, elle, elle ferait la même chose pour moi.

J'ai promis.

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