lundi 25 avril 2011

LE SURVIVANT - 24 avril 2014

Quatre personnes nous ont quitté aujourd'hui.

Charles Louis Tissier a tenté de s'évader aux premières lueurs de l'aube. Il est impossible de savoir exactement pourquoi mais il semblerait que le soldat qui était chargé de le surveiller, le 2ème classe Tomasi, ait ouvert la cellule du meurtrier et l'aurait ensuite libéré. La clé de la cellule a été retrouvé dans la serrure, ce qui indique qu'elle a été ouverte de l'extérieur, volontairement. En guise de remerciement, Tissier a abattu le soldat d'une balle en plein cœur. Ce premier coup de feu a suffi à réveiller tout le camp. Dans la confusion, nous sommes presque tous sortis de nos chambres, nous habillant à la va vite. C'est là que le deuxième coup de feu a retentit. 
Roman et Mélanie étaient encore à l'extérieur après la soirée au bar, profitant sans doute d'un moment de fraîcheur et d'intimité à l'ombre du bâtiment D. Tissier a croisé leur chemin. Il a tué Roman, tirant en visant la gorge. Puis il s'est emparé de Mélanie, la retenant en otage. Nous avons entendu les hurlements de Mélanie. Tissier n'a rien tenté pour la faire taire et ils les a même probablement encouragé. Il voulait un public. Il voulait attirer le maximum de personnes à l'extérieur des bâtiments. C'est l'attention des soldats qu'il a eu en premier. Ils l'ont mis en joue, lui ont demandé de jeter son arme. Mais pas assez vite. Ceux qui sont arrivés avant moi ont vu et m'ont tout raconté. Avec un sourire hideux et satisfait sur son visage de taré, il a exécuté Mélanie d'une balle dans le ventre. Puis, il a levé les bras en l'air, jetant son arme à bonne distance, faisant mine de se rendre. D'autres coups de feu, loin d'être les derniers, ont suivis. Trois soldats ont tirés, je crois, et ont tués Tissier sans autres formes de procès. 
Tout ce que moi j'ai vu, c'est le corps criblés de balles de Tissier sur le sol, dans une mare de sang. J'ai vu aussi des visages incrédules, fatigués, paralysés par le choc. Moi-même, il m'a fallu plusieurs minutes avant de croire à ce que je voyais, de comprendre. J'ai vu le lieutenant Orlando arriver sur les lieux du massacre et tomber à genoux, baissant la tête.
Mélanie était alors encore vivante, pleurant de douleur, se vidant de son sang. Elle a été emmenée à l'infirmerie. Elle y est morte trente minutes plus tard. Le docteur Denoy n'a rien pu faire. 
Il a ensuite fallu s'occuper des corps, empêcher la transformation. Le capitaine Thibault n'a pas perdu une seconde. Il s'est assuré de la mort de Roman, a dégainé le révolver qu'il tient en permanence à sa ceinture et a tiré une balle dans la tête du cadavre. Le deuxième sur sa liste a été Tissier. Une autre balle dans la tête. Mélanie a été laissée sous la responsabilité du docteur qui, lui, n'a pas utilisé d'armes à feu mais un clou et un marteau. Le soldat Tomasi a été retrouvé en dernier. Certains m'ont dit qu'il était déjà revenu à la vie, d'autres que non. Je n'ai pas été témoin de ça non plus. J'ai juste entendu la détonation. Encore une.

Trois tombes ont été creusées. Les corps de Roman, de Mélanie et du soldat Tomasi ont été enveloppés dans des sacs mortuaires. Le corps de Tissier a été brûlé derrière le bâtiment C selon les souhaits d'Orlando. Elle s'en est chargée toute seule. Thibault y a assisté. Nous, nous avons pu voir la fumée qui s'élevait dans le ciel. Une discussion animée a eu lieu entre le sergent-chef et le capitaine à ce sujet. Verney a insisté fermement pour que la dépouille de Tissier soit jetée à l'extérieur. Thibault a refusé sans compromis, laissant la décision à Orlando. "Si vous n'aviez pas tous les deux insisté pour garder Tissier en vie, au chaud et aux frais de la princesse, rien de tout ça ne serait arrivé ! Vos décisions ne valent pas un pet !" Verney l'a hurlé assez fort pour que d'autres l'entendent. Verney n'a peut-être pas tort, mais ce n'est pas le bon moment pour ça, pour lancer des polémiques. Nous devons rester unis. Mais, toute la journée, j'ai entendu des murmures, des discussions à voix basse qui désapprouvent le capitaine Thibault et Orlando. Christine, cette conne, m'a même reproché d'avoir laissé tomber mon idée de faire expulser Tissier du camp. Qu'elle aille se faire foutre ! Je n'ai rien à me reprocher.

Après l'enterrement en fin de journée, le lieutenant Orlando a tenu à faire ses adieux à tous le monde. Elle a demandé à quitter le camp et à reprendre la route. Elle se sent coupable de ce qui est arrivé. "Je sais ce que certains pensent de moi." a t-elle dit. Personne n'a essayé de la retenir. Pas même le docteur Denoy.
Elle est partie à la tombée de la nuit, un sac à dos rempli de provisions et une arme à la main. Les tireurs lui ont dégagé un chemin, puis elle a disparu. 

Quatre personnes nous ont quitté aujourd'hui. Et il ne reste plus que des cendres du monstre qui vivait parmi nous. 




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