lundi 25 avril 2011

LE SURVIVANT - 25 avril 2014

La tristesse, la colère, la frustration peuvent maintenant se lire sur tous les visages. A mes yeux, cela ne fait que confirmer ce que je savais déjà, ce dont j'ai déjà parlé. Cette enceinte ne nous protègera pas éternellement de la mort. Nous n'avons pas besoin des zombies pour mourir et pour souffrir. Bien avant qu'ils ne fassent leur apparition, nous avons toujours su faire preuve d'un grand savoir faire en la matière. Même si les dernières horreurs que nous avons vécu ont été commises de la main de Charles Louis Tissier, meurtrier psychopathe, pédophile, je n'oublie pas que c'est l'un des nôtres, un soldat chargé de notre protection qui l'a laissé sortir de sa cage. 
Le soldat Tomasi a laissé une lettre avec ses affaires, offrant une explication à ses actes. Tomasi était celui qui avait pris l'habitude de relever le lieutenant Orlando pour les brefs moments où elle devait se rendre aux toilettes ou lorsque qu'elle prenait une heure ou deux pour aller dormir (jamais plus). C'est pendant ces périodes que Tomasi et Tissier parlaient. C'est à partir de là que Tissier est entré dans la tête de Tomasi, ensemençant l'esprit influençable du jeune soldat d'idées aussi farfelues que dangereuses. Dans sa lettre, Tomasi parle de Tissier comme d'un prophète, l'homme qui lui aurait révélé la vraie nature du fléau qui ramène les morts à la vie. Cette "bonne parole", c'est pour que Tissier puisse la répandre dans tout le camp que Tomasi l'a libéré. Et quand on voit où ça l'a mené. Où ça nous a tous mené.
Selon moi, ce que Tissier voulait, c'était humilier le lieutenant Orlando une dernière fois, peut-être même la pousser au suicide. Et il a presque réussi. Orlando a quitté le camp et qui nous dit qu'elle n'est pas déjà morte, en se collant une balle dans la tête ou en se laissant dévorer par des zombies ? J'ai vu des gens faire ça, à Paris. Se laisser dévorer.
Les actes de Tomasi me font croire qu'il n'est ni le premier, ni le dernier à péter un câble dans ce camp. Je regarde tous ces visages et je me demande qui sera le prochain et quels dégâts il ou elle causera. Bordel ! Je me regarde dans une glace et je me demande si ce ne sera pas moi. J'ai une cette vision horrible où je passais de chambre en chambre en pleine nuit, poignardant tous le monde, sans faire de bruit. Levant puis abaissant le couteau. Levant puis abaissant le couteau. Encore et encore. Il m'a fallu des trésors de concentration pour la chasser de mon esprit. 

Carole n'a presque rien dit depuis hier. Elle se contente d'enchaîner clope sur clope. Si elle continue comme ça, il ne lui faudra pas longtemps pour être forcée de décrocher la cigarette. Il ne reste plus que 16 cartouches dans la réserve et ça diminue à vitesse grand V. Nous avons sauté le déjeuner tous les deux et nous sommes allés sur les tombes de nos amis. Nous nous sommes assis par terre et je l'ai prise dans mes bras. Parce que j'en avais besoin et elle aussi. Nous sommes restés comme ça longtemps. 

Les messes basses blâmant le capitaine Thibault pour ne pas avoir tiré une balle dans la nuque de Tissier dès le moment où celui-ci est entré dans le camp se poursuivent et prennent de l'ampleur. Le sergent-chef Verney, Christine mais aussi Frédéric sont les plus virulents. Le capitaine Thibault, lui, préfèrent les ignorer. Viendra le moment où il ne pourra plus faire semblant de ne pas entendre les critiques. 

J'ai croisé le docteur Denoy en allant changer mon pansement. Il pleurait. Je crois qu'il aimait vraiment le lieutenant Orlando et qu'il est mort de trouille à son sujet.

Je suis monté sur le chemin de ronde. J'ai vu un zombie qui n'avait même plus de mâchoire. Il faisait un bruit différent des gémissement de ses congénères. Avec un peu d'imagination, on aurait pu croire que lui aussi pleurait.

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