mercredi 20 avril 2011

LE SURVIVANT - 20 avril 2014

J'ai beau lutter, je ne retrouverai jamais mon sommeil d'avant. Les cauchemars succèdent aux cauchemars. Les moins horribles, je vais finir par les appeler des rêves. L'époque où, les yeux fermés, profondément endormi,  j'angoissais mortellement de me retrouver à poil devant tous mes collègues de travail est bel et bien révolue. En ce moment, la plupart de mes "escapades" nocturnes me ramènent à la cave de la ferme de Sandrine. Sauf que c'est moi qui me retrouve de l'autre côté de la porte cette fois, avec deux zombies enchaînés à un mur pour me tenir compagnie.
Ce sont les ronflements de stentor de mon voisin de chambrée, Jonathan, qui m'ont réveillé ce matin. Si ces ronflements continuent à gagner en intensité, il va falloir que je me trouve un nouveau pieu. Nos dortoirs sont divisés en 22 chambres de six lits superposés. Faîtes le compte. ça me laisse l'embarras du choix. 

Un autre événement a participé à mon réveil. Le départ de l'équipe du capitaine Thibault pour leur moisson de vivres et autres. Mais c'est surtout l'engueulade entre Thibault et Verney qui a retenu mon attention. Ces deux-là n'ont jamais paradé comme les meilleurs potes du régiment. Ils ont toujours eu des rapports purement formels. Là, ils sont bien partis pour se détester cordialement. Verney estime que les sorties organisées par Thibault deviennent "inutiles", qu'il y a assez de vivres pour tous et pour longtemps et que "l'objectif premier" devrait être l'éradication de la "vermine contaminée". Il y a une nation zombie là dehors et Verney veut lui déclarer la guerre, cantons par cantons, départements par départements, régions par régions. Quinze soldats contre des millions. La folie des grandeurs. Tous les soldats en question étaient là pour assister à la prise de bec. Pendant un court instant, on aurait pu croire que deux camps se formaient. Thibault a mis toute son autorité sur la table pour faire taire Verney. Puis le convoi s'est mis en route. 

J'ai trouvé une nouvelle occupation en attendant que ma blessure ne soit plus une gêne ("encore cinq jours et vous n'aurez plus besoin de porter le bras en écharpe" m'a assuré Denoy). J'aide Alexis à l'inventaire des réserves. Bouffes, munitions, essence, etc ... Je compte, j'inspecte, j'énumère. Lui, il écrit. Pas besoin d'être deux pour ça mais Alexis apprécie la compagnie et moi, ça me permet de me concentrer sur du concret, de ne penser que à ce que j'ai sous les yeux. Alexis a voulu me raconter son "histoire" (traduisez : toutes les saloperies qu'il a vu depuis le début de l'épidémie) et je l'ai tout de suite arrêté. Pas besoin de ça. Je suis ni prêtre, ni psychiatre. Je prends pas les confessions. Je lui ai demandé d'enchaîner sur les potins du camp. Mélanie et Roman se sont mis en ménage, ce qui n'a rien d'un scoop. Plus intéressant les frères Bonnal, vieillards sympathiques, ont eu la bonne idée, lorsqu'ils ont quitté leur domicile, d'embarquer avec eux une jolie dose de marijuana. Et il semblerait qu'ils ne fument pas toujours en égoïstes. Bon à savoir.

J'ai profité de la pause de midi pour apporter leur repas à nos amis Les Enchaînés, Mlle Orlando et Mr Tissier. La jeune policière est plus pâle que jamais. Mais elle tient. Vider son sac lui a sûrement fait du bien, un peu en tous cas. Elle a même esquissé un sourire en me voyant arriver et lui tendre son plateau (raviolis sauce tomate, un festin de rois dont je commence à croire qu'il est tout à fait possible de se lasser). Lorsque j'ai posé le plateau de Tissier dans la trappe prévue à cet effet et que l'ai refermée, j'ai entendu sa voix, claire et incroyablement aimable, sortir de la cellule. "Je vous remercie, Mr Barillet." A vous collet une putain de sueur froide. J'ai demandé à Orlando comment il connaissait mon nom. "Mr Tissier n'est pas qu'intelligent. Il a aussi l'ouïe fine."

Thibault et son équipe sont revenus en milieu d'après-midi. Avec un invité surprise. Un mort-vivant accroché à un essieu. Je l'ai vu surgir de sous un camion et attraper la jambe de Verney. Le sergent-chef est tombé à la renverse et le zombie a alors entrepris de lui grimper dessus pour le mordre au visage. Les deux se sont débattus un bref instant et puis le plomb a rendu son verdict. BANG ! Thibault a collé une balle dans la tête du zombie, éclaboussant le visage de Verney d'un sang noir et putride. Verney n'a pas dit merci. Il s'est levé et a foncé vers les baraquements, sans aucun doute pour prendre une douche et ruminer quelques insultes.
Outre les émotions fortes, le convoi avait d'autres surprises. Six cartons de boissons en tous genres, sodas, jus de fruits et même des bières ! Des cigarettes. Des conserves de fruits. Des pots de miel. Des céréales. Des chips. Et pour les gosses, des jouets et des bandes dessinées.
Mais ce n'est pas tout. Ils ont poussé plus loin qu'à l'accoutumé jusqu'à un avant poste de l'armée abandonné et ont ramené de jolis jouets. Six mitrailleuses lourdes avec les munitions appropriées. Trois bazookas. Deux caisses de grenades. Quelques armes de poing. Et encore plus de munitions. Thibault nous a également signé qu'ils avaient repérés quelques enclos à bétail et qu'il ramènerait de la viande fraîche à la prochaine sortie !

J'ai croisé Verney avant de rentrer pour aller me coucher. Si je vous parle d'humeur massacrante, je suis encore loin de la vérité. Il m'a bousculé au passage, cognant dans la mauvaise épaule. Sale con !

Je n'ai même pas commencé à écrire que Jonathan ronflait déjà. J'ai pris mes affaires et je me suis trouvé une chambre vide. Carole m'a vu m'installer et m'a dit qu'elle viendrait taper à ma porte un peu plus tard. Quand elle a une idée quelque part, celle là ...

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