lundi 25 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #27 - POLTERGEIST

Réalisé par Tobe Hooper - Sortie US le 4 juin 1982.
Scénario : Steven Spielberg & Michael Grais & Mark Victor, d'après une histoire de Steven Spielberg.
Musique : Jerry Goldsmith.
Directeur de la photographie : Matthew F. Leonetti.
Avec Craig T. Nelson (Stuart Freeling), Jobeth Williams (Diane Freeling), Beatrice Straight (Dr. Lesh), Dominique Dunne (Dana Freeling), Oliver Robbins (Robbie Freeling), Heather O'Rourke (Carol Anne Freeling), Zelda Rubinstein (Tangina), ...
Durée : 114 mn.

Une famille vivant dans une banlieue résidentielle paisible est confrontée à d'étranges phénomènes qui se produisent dans plusieurs pièces de leur maison. La situation prend une tournure dramatique lorsque Carol Anne, leur plus jeune fille, est enlevée par une force inconnue en pleine nuit, durant un orage à la violence surnaturelle, et que la voix de l'enfant appelant à l'aide se fait entendre depuis un écran de télévision.


Gros succès en salle ayant généré deux séquelles décevantes et une série TV sans grand intérêt et sans liens réels avec le film, mais également transposition dans un cadre moderne du film de maison hantée classique (un pavillon dans une banlieue ensoleillée remplace la traditionnelle demeure gothique), POLTERGEIST est une drôle d'œuvre bicéphale, une moitié portant la signature de Steven Spielberg (producteur, scénariste mais aussi probablement co-réalisateur) et l'autre celle de Tobe Hooper, réalisateur de l'ultra-culte TEXAS CHAINSAW MASSACRE. 
Deux fortes personnalités donc, aux univers parfaitement identifiables et, à priori, incompatibles. Et à l'écran, il est amusant de pouvoir attribuer telle ou telle séquence à chacun des deux cinéastes. Pour autant, l'équilibre du film n'est jamais menacé par ces grands écarts réguliers entre un fantastique poétique et spectaculaire (signé Steven) et une horreur rentre dans-le-lard et volontiers malsaine à grand coups de cadavres suintants, de boue, de chairs arrachées à vif et de placards se transformant en bouche de l'enfer (merci Tobe !). Le scénario justifie même cette apparente schizophrénie par l'existence de deux types de spectres : les âmes de défunts cherchant à signaler leur présence se différenciant dans leurs apparitions de la force qui les contrôle, qui transforme leur haine en colère pour s'en nourrir, la "Bête". Formellement parlant donc, la cohésion de POLTERGEIST est miraculeuse, offrant à voir un film de fantômes particulièrement généreux. Le casting ne fait pas beaucoup d'étincelles mais le score dantesque de Jerry Goldsmith (entre thèmes aériens et moments de terreur tonitruants) et les effets spéciaux très réussis assurent le spectacle.
Sur le fond en revanche, Tobe Hooper, pas nécessairement un grand croyant en la bonté de l'espèce humaine, s'amuse à détourner un sujet spielbergien en diable (banlieue résidentielle américaine joyeuse, cellule familiale en crise, fantastique s'inscrivant dans le quotidien, etc ...) pour un faire quelque chose de nettement plus politique. En choisissant d'ouvrir son film sur l'hymne américain à plein volume mais que personne n'écoute, et qui, lorsqu'il s'achève enfin, semble être le signal qu'attendait les morts pour entrer en scène, on se demande d'abord où le cinéaste veut en venir. L'explication ne tarde pas. Hooper brocarde avec un grand sourire les valeurs dangereuses d'une Amérique entrée de plein pot dans l'ère du matérialisme reaganien. La télévision est transformée en portail par lequel les forces du mal s'introduisent dans un foyer et kidnappent les enfants, les jouets se transforment en objets meurtriers et les promoteurs sans scrupules profanent des sépultures pour construire des logements à destination d'ouvrier cherchant à fuir les villes. En retournant leur mode de vie contre des vivants qu'ils considèrent comme des intrus, des usurpateurs, les morts s'acharnent à reprendre possession de leur territoire. Le final, apocalyptique, durant lequel la maison des héros est broyée, concassée, et avalée par une lumière spectrale, et alors que les cercueils remontent à la surface tels des missiles, sonnent comme une victoire sans équivoque pour les fantômes. La famille Freeling, chassée de son domicile, terrifiée, n'a plus qu'à fuir la queue entre les jambes pour aller s'entasser dans la chambre anonyme d'un Holliday Inn, laissant sur le pallier, dans un dernier réflexe hilarant, un poste de télévision désormais clairement identifié comme un objet dangereux. Plus proche des fantômes que des vivants lorsqu'il s'agit de choisir son camp, Tobe Hooper se permet de mettre un grand coup de pied au cul de ces classes moyennes américaines arrogantes, satisfaites de leur réussite matérielle et de leur bonne morale.

 
Première grande production Spielberg, POLTERGEIST est un film fantastique atypique, moins grand public que sa réputation de film familial ne le suggère, oscillant entre ironie, terreur authentique et grand spectacle.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire