mardi 19 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #21 - CONAN LE BARBARE

Réalisé par John Milius - Sortie US le 14 mai 1982 - Titre original : Conan The Barbarian.

Scénario : John Milius & Oliver Stone, d'après les romans de Robert E. Howard.
Musique : Basil Poledouris.
Directeur de la photographie : Duke Callaghan. 
Avec Arnold Schwarzenegger (Conan), James Earl Jones (Thulsa Doom), Sandahl Bergman (Valeria), Gerry Lopez (Subotai), Ben Davidson (Rexor), Mako (Narrateur / Le Sorcier), ...
Durée : 129 mn.



 
Adapter au cinéma les récits foisonnants, épiques et sombres du grand R.E. Howard ne fut pas chose aisée. Sous l’impulsion du nabab Dino DeLaurentiis, le réalisateur John Milius et le scénariste Oliver Stone saisirent l’opportunité qui leur fut offerte pour redéfinir durablement le visage de la Fantasy sur grand écran. Car les aventures du cimmérien taciturne n’ont rien d’une aimable plaisanterie bondissante en Technicolor. L’ambition est d’un autre ordre : créer un monde crédible, boueux, dur, sanglant, le reflet d’un passé oublié mais ô combien tangible. La fidélité à l’œuvre du texan s’affirme dans les intentions et dans le ton plutôt que par un respect aveugle du texte.
CONAN LE BARBARE, c’est avant tout l’histoire d’un self made man hors norme. Publiées au cœur de la Grande Crise des années 30, les textes de Robert E. Howard avaient connu un succès certain en narrant les aventures d’un homme qui, par la force de sa volonté et de son épée, s’extirpa de son statut de vagabond pour devenir le régent de tout un empire sans renier sa liberté et sa fougue. Transposée en plein renouveau Reaganien, Conan reste le même, ses valeurs traversant les décennies avec un certain aplomb. Milius et Stone font toutefois reposer ses motivations sur la vengeance, ce sentiment symbolisant en un sens le spectre de la défaite du Vietnam tel qu’elle était vécue au début des années 80. Dépouillé de sa famille et de son identité (l’Amérique triomphante des pionniers qu’évoquent fortement le village du jeune Conan) par un ennemi sans pitié dont l’emblème est un serpent, Conan va se forger une nouvelle identité dans le sang, se construisant une hyper-virilité, avant de revenir se venger et de décapiter l’homme-serpent pour annoncer une nouvelle ère. La quête de liberté et de richesse des années 30 se doublent donc ici d’une quête de l’identité et de la reconstruction du mythe du surhomme. La démarche peut sembler réactionnaire et un brin fascisante. Pour autant, CONAN LE BARBARE reste un film lucide et rarement optimiste.
John Milius et Oliver Stone aiment confronter les mythes à la réalité. Et la réalité, comme le suggère la citation de Nietzsche qui ouvre le film (« Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort »), s’attaque aux héros inlassablement, tentant de les abattre et les mettant à l’épreuve. Car si Conan parvient à ses fin et mène sa vengeance à son terme, Milius souligne le goût ô combien amer de cette victoire. Exsangue, séparé de ses amis et de sa compagne assassinée, Conan contemple, sans projet, la procession nocturne et funèbre des filles et des fils de Seth. Gagner, d’accord, mais à quoi bon ? Que faire ensuite ? Si le narrateur annonce une gloire à venir, celle-ci a pourtant le visage d’un Conan vieillissant, roi figé sur son trône et le regard perdu dans le vide 
Mais le lot de tout héros, s’il désire inscrire son nom dans l’Histoire, est de ne pas renoncer. Le cinéaste insiste sur la nécessité de cette souffrance à plusieurs reprises (la Roue de la Souffrance, l’arbre auquel Conan sera crucifié). Dépouillé d’un altruisme désuet et de son invulnérabilité de principe, le héros Conan est une machine à survivre dont le seul but semble être d’affronter les épreuves pour tester sa résistance, apprendre à se relever sans cesse et à encaisser. Fini l’héroïsme bon enfant, bonjour la mythologie sadomasochiste ! Mel Gibson s’en souviendra lorsqu’il passera à la réalisation les décennies suivantes (BRAVEHEART, LA PASSION DU CHRIST et APOCALYPTO emprunte à CONAN LE BARBARE bon nombre de ses thématiques) et même Peter Jackson prendra un malin plaisir à tourmenter profondément le duo Frodon/Samwise de sa trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX et à se réclamer du réalisme physique du film de Milius..
Il y a un avant et un après CONAN LE BARBARE. Par Crom, qui osera prétendre le contraire ?

De gauche à droite : Valeria la walkyrie (Sandahl Bergman), Conan le Cimmérien (Arnold Schwarzenegger) et Subotai l'Archer (Gerry Lopez), trois brigands de légende avant la bataille.




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