samedi 9 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #12 - TAPS

Réalisé par Harold Becker - Sortie US le 20 décembre 1981.
Avec Timothy Hutton, George C. Scott, Sean Penn, ...






Qui se souvient de cet excellent film dans lequel se côtoyaient, alors débutants, Timothy Hutton, Sean Penn et Tom Cruise (dans son premier grand rôle) face au charismatique George C. Scott ?
Artisans modeste mas doué, Harold Becker nous offre ici une tragédie de la jeunesse américaine qui fait souvent penser au CERCLE DES POETES DISPARUS que Peter Weir tournera huit ans plus tard. Les deux films partagent la même ouverture (une cérémonie très formelle consacrée à la mémoire, à l’héritage des traditions et à la valeur de la discipline), le même cadre rigoureux (une académie privée – militaire dans le cas présent – fermée sur elle-même, hors du temps), la même sensation d’étouffement (le monde extérieur semble n’existe presque pas, sinon en tant que menace) et ce même regard d’entomologiste sur un groupe de jeunes gens écrasés par le poids de leurs décisions et de leur environnement. Dernier point commun : le score intimiste et atmosphérique de Maurice Jarre semble « hanter » les opus de Becker et Weir avec la même force.
Pour autant, la comparaison doit s’arrêter là. Weir observe les artistes, Becker analyse les va t-en guerre. Ici, le mentor (George C. Scott, dans une version « négative » et pathétique de son célèbre Patton) n’est pas une force vive qui aspire à changer le point de vue de ses élèves mais bien un fantôme qui porte la gloire autant que les plaies béantes du passé et de la guerre. Le discours que tient TAPS est donc autrement plus radical en ce sens qu’il se refuse à rendre les élèves de Bunker Hill « sympathiques », à présenter la moindre note d’héroïsme dans leurs actes. Becker traite de la frontière si mince entre idéalisme et fanatisme, ou comment l’enfer est souvent pavé des meilleures intentions. Menacé de voir son monde s’effondrer avec la fermeture de l’école militaire du vénérable et nostalgique Général Bache, le jeune major Moreland (Timothy Hutton), leader né, va user de son énorme influence auprès de ses camarades pour monter une opération militaire à l’issue plus qu’incertaine : tenir un siège face aux autorités, pressées de fermer le site pour le raser au profit de logements et parkings modernes. Et tant pis pour Moreland si une partie de ses trouffions ne sont que des gosses à peine âgés de onze ans. Les accidents s’accumulent et le regard du spectateur, jamais manipulé mais juste braqué sur les faits, évolue au même rythme. La superficialité des manœuvres de parade exécutées au cordeau cède la place aux tristes (et mortelles) bavures nées de l’inexpérience. On peut les haïr et on peut les aimer, cette génération de bébés tueurs aux valeurs obsolètes, mais, jusque dans les dernières minutes, il nous est impossible de les ignorer, hypnotisés par leur existence.
Le style et la mise en scène d’Harold Becker sont dégraissés jusqu’à l’os. Simplicité et rigueur pour cadrer avec l’environnement décrit. Plans fixes, travellings à la chorégraphie millimétrée, absence totale et bienvenue de gros plan larmoyants et utilisation judicieuse de la palette de couleur (les rouges flamboyants du premier acte cèdent brutalement la place à toutes les nuances de verts et de gris qui prédomineront jusqu’à la sanglante conclusion). Becker filme ses jeunes protagonistes à hauteur d’homme et l’académie de Bunker Hill comme un organisme se mourant peu à peu. Grouillant de vie au début, mais pas pour longtemps. La tête coupée, les jours de l’école sont comptés. Peu à peu, Bunker Hill se vide de son sang, de ses jeunes soldats et de leurs idéaux (magnifique séquence de désertion collective). TAPS est un drame prenant sur une Amérique bien en peine de communiquer avec une jeunesse en quête de héros et de valeurs fortes.

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