mercredi 27 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #29 - CREEPSHOW

Réalisé par George A. Romero - Sortie US le 12 novembre 1982.
Scénario : Stephen King.
Musique : John Harrison.
Directeur de la photographie : Michael Gornick.
Avec Hal Holbrook (Henry Northrup), Adrienne Barbeau (Wilma Northrup), Leslie Nielsen (Richard Vickers), E.G. Marshall (Upson Pratt), Viveca Lindfors (Aunt Bedelia), Ed Harris (Hank Blaine), Ted Danson (Harry Wentworth), Stephen King (Jordy Verrill), ...
Durée : 120 mn.
Cinq contes horrifiques. 
Le patriarche autoritaire d'une famille d'aristocrates sort de sa tombe pour réclamer son gâteau de fête des pères ...
Un mari jaloux et psychopathe exerce une terrible vengeance sur sa femme et l'amant de celle-ci, ...
Un fermier simple d'esprit est contaminé par un parasite végétal échappé d'une météorite tombée dans son jardin, ...
Un professeur d'université frustré voit dans une créature vorace enfermé dans une caisse mystérieuse l'opportunité de se débarrasser de sa mégère de femme, ...
Un vieux milliardaire reclus dans son appartement et maniaque de la propreté développe une psychose des cafards, ...
Le film à sketch est un exercice délicat, rarement pratiqué au cinéma, américain ou non. Et pour cause. Les risques de se planter et de ne pas maintenir l'intérêt du public sur toute la durée (manque de cohérence, inégalité dans la qualité des histoires, rythmes narratifs trop variés) sont énormes. Né de l'association entre Stephen King et George A. Romero et hommage vibrant aux E.C. Comics (bandes dessinées horrifiques des années 50 er 60 compilant de courtes histoires aussi violentes que drôlement cruelles dans leurs dénouements), CREEPSHOW est probablement l'une des rares réussites incontestables du genre. 
Ecrivain aussi doué dans l'art du roman fleuve que de la nouvelle, Stephen King offre ici à George A. Romero un matériau de très haute volé. Tout en délivrant aux amoureux de péloches horrifiques ce qu'ils sont en droit d'attendre (morts-vivants revanchards en tous genres, monstre à la mâchoire béante et aux griffes acérées, virus extra-terrestre pas piqué des hannetons, insectes grouillants et mutilations diverses), King offre une vision extrêmement misanthrope de la race humaine en général et de la société américaine en particulier. Dépourvu du moindre héros, chaque histoire de CREEPSHOW s'amuse avec une férocité toute juvénile à tirer à boulets rouges sur tous les travers d'un monde obsédé par le fric, la réussite et le pouvoir. Jalousie, cruauté, lâcheté, bêtise, mensonge, culpabilité, j'en passe et des meilleures. Tous les personnages de CREEPSHOW, sans la moindre exception, exhibent une immoralité constante et grinçante et qui, pourtant, ne semble jamais bien loin de la vérité. Sous la (fausse) caricature, Stephen King ne cesse de surprendre par l'acuité avec laquelle il dépeint les comportements les moins admirables de ses contemporains. La capacité à faire et à répandre le mal n'épargne aucune classe sociale (du plus humble des paysans au multi-millionnaire en passant par les classes moyennes et la vieille bourgeoisie), pas plus qu'elle n'est le privilège des hommes (Adrienne Barbeau, notamment, campe un personnage de garce d'anthologie) ou des grandes personnes (dans un épilogue, un enfant se venge de son père de la plus horrible des façons, simplement par caprice). 
Une vision d'une telle noirceur ne passerait sans doute pas aussi bien sans le contrepoint idéal fourni par la réalisation énergique, colorée et respectueuse des codes du genre de George A. Romero. Habitué de la satire social et politique, le réalisateur de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS et ZOMBIE n'adoucit en rien le propos nihiliste de son scénariste (c'est gore, c'est noir, c'est politiquement incorrect et ... c'est tant mieux !) mais il l'exprime sous une forme séduisante de grand cinéma populaire. Les histoires s'enchaînent sans répit via d'admirables transitions animées et la direction d'acteurs brillante laisse le soin à un casting impressionnant (dont Leslie Nielsen, vraiment inquiétant dans l'un de ses derniers rôles "sérieux" avant deux décennies de parodies) de cabotiner avec talent. CREEPSHOW ne laisse pas le temps au spectateur de réfléchir, l'invitant à profiter d'un grand huit macabre de très haute volée. 



Œuvre culte pour de nombreux cinéphile en manque de pellicules décomplexées, hargneuses et n'ayant pas d'autre prétention que l'envie de divertir et de faire frissonner, CREEPSHOW supporte admirablement le poids des ans, surtout en comparaison de ses deux suites carrément faiblardes. Quant aux très populaires CONTES DE LA CRYPTE, ils n'auraient sans doute jamais vus le jour sans l'impulsion offerte par le succès de CREEPSHOW. Il n'est pas tout à fait inutile de le rappeler ... 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire