jeudi 21 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #23 - TRON

Réalisé par Steven Lisberger - Sortie US le 9 juillet 1982.
Scénario : Steven Lisberger, d'après une histoire de Steven Lisberger & Bonnie McBird.
Musique : Wendy Carlos.
Directeur de la photographie : Bruce Logan.
Avec Jeff Bridges (Kevin Flynn / CLU), Bruce Boxleitner (Alan Bradley / TRON), David Warner (Ed Dillinger / SARK / Master Control Program), Cindy Morgan (Lora / YORI), Barnard Hughes (Dr. Walter Gibbs / DUMONT), ...
Durée : 96 mn.




Evacuons d’emblée les défauts de ce qui est avant tout un premier long-métrage (direction d’acteurs parfois hasardeuse, mise en scène figée et sautes de rythmes) pour se concentrer sur les innovations que nous apporta TRON. 
Né de l’esprit de Steven Lisberger, un jeune publicitaire, ambitieux réalisateur de plusieurs courts-métrages extrêmement visuels, féru d’animation depuis son plus jeune âge, TRON est une œuvre qui s’est nourrie de l’apport des nombreux artistes ayant participé à son élaboration mais aussi du support financier presque illimité d’un studio Disney alors en pleine crise de créativité. L’ambition qui habite TRON est triple : il s’agit de créer un univers inédit avec des technologies encore balbutiantes et ignorées du grand public, offrir un regard riche sur l’art naissant des jeux vidéos et du multimédia et, surtout, opposer à STAR WARS un concurrent innovant et rentable. Cette dernière ambition ne sera pas totalement satisfaite car, en dépit de recettes honorables, le discours et le look « ésotérique » de TRON ont eu le plus grand mal à s’adresser au plus grand nombre, bloquant l’inévitable séquelle dans les limbes pendant plus de vingt ans. En revanche, le métrage se permet d’atteindre les autres buts qu’il s’est fixé haut la main.
Engagé pour aider Lisberger à mettre ses idées en pratique, la supervision technique et créative mise en place par le vétéran Harrison Ellenshaw fut déterminante quant à la réussite visuelle que constitue TRON. Conscient de la singularité que nécessitait le monde « à l’intérieur de l’ordinateur » voulu par le scénario de Lisberger, il conseilla au réalisateur débutant d’embaucher les talents visionnaires de Syd Mead (véhicules et décors) et de Jean « Moebius » Giraud (costumes et personnages) et orienta les effets visuels vers une combinaison hybride d’images de synthèse novatrices et de techniques d’animation et de photographie plus artisanales. Entre une course de « cycles lumineux » à la fluidité de mouvement ahurissante, le voyage d’un voilier solaire à travers l’immensité du désert informatique ou encore les silhouettes géométrique et menaçantes des recognizers (les énormes vaisseaux de reconnaissance), TRON ne ressemblait alors à rien de connu.
Industrie encore jeune, les jeux vidéos sont au cœur de la thématique de TRON. Son héros, Kevin Flynn (Jeff Bridges), est autant un joueur qu’un créateur. Il est dépeint comme un esprit indépendant, génial et résolument tourné vers l’avenir. Et, en le plongeant au cœur de l’ordinateur, le scénario de TRON offre, pour la toute première fois au cinéma, une réflexion sur le rapport entre un joueur/programmeur et nos avatars virtuels. Nous avons beau être leur créateur, ces derniers ont une vie et des émotion qui leur sont propres et ils dépendent de nous autant que nous d’eux. Steven Lisberger dédouble les personnages (chacun des cinq acteurs principaux incarne à la fois un personnage « réel » et son double informatique) mais pas forcément les psychologies et, ce malgré les apparences. Moteur de l’action dans le monde réel, Flynn se retrouve bien vite à la traîne une fois passé de l’autre côté de l’écran, laissant alors à Tron (Bruce Boxleitner) se tailler la part du lion question héroïsme. Tron, dont le créateur humain Alan Bradley, n’a rien d’un meneur. Même le méchant n’échappe à cette règle. Froid et calculateur, criminel en col blanc, Dillinger (David Warner dans une double prestation délicieuse) devient sous les traits de Sark, un méchant de bande-dessinée, hargneux, colérique et sans pitié.
Cerise sur le gâteau, Steven Lisberger se permet de plaider avec une belle avance sur son temps pour la libre circulation des programmes informatiques et la toute puissance de la création et des idées en faisant de son grand méchant, le MCP, une sorte de Big Brother, un tyran obsédé par le contrôle des informations. Derrière ses ambitions commerciales, TRON affiche ses prétentions révolutionnaires avec conviction.



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