lundi 18 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #20 - L'ANGE DE LA VENGEANCE

Réalisé par Abel Ferrara - Sortie US le 24 avril 1981 - Titre original : MS. 45
Scénario : Nicholas St John.
Musique : Joe Delia.
Directeur de la photographie : James Lemmo.
Avec Zoe Lund, Albert Sinkys, Darlene Stuto, ...
Durée : 80 minutes. 




Sous ses aspects de pur film d'exploitation, cet étonnant rape & revenge distille une atmosphère cauchemardesque et une ambiguïté morale qui le distinguent sans peine de n'importe quelle bande sans ambitions, complaisante et crapoteuse. L'ANGE DE LA VENGEANCE a le bon goût de ne pas emprunter des chemins balisés et de ne pas se transformer bêtement en ersatz féminin du JUSTICIER DANS LA VILLE. Il est plus judicieux de le comparer à un croisement pertinent entre TAXI DRIVER (pour son personnage principal, entre damnation, psychose et solitude) et CARRIE AU BAL DU DIABLE (pour son apocalypse finale, extase et vengeance expiatoire).

New York. Jeune femme muette, Thana est violée à deux reprises dans la même journée. Elle parvient à tuer son deuxième agresseur, un cambrioleur qui s'était introduit dans son appartement. Elle le découpe en plusieurs morceaux et s'empare de son arme, un calibre .45. Puis, elle sillonne la ville de nuit, se débarrassant petit à petit du cadavre. Ce faisant, elle se transforme, tant psychologiquement que physiquement, en ange exterminateur, tuant les hommes au gré de ses sautes d'humeur ...

Tout comme Martin Scorsese, Abel Ferrara est habile à dresser un portrait incroyablement authentique de l'atmosphère parfois putride régnant au sein de la Grosse Pomme, New York pouvant être considéré comme un personnage à part entière, un organisme malade. Le ver est dans le fruit. Mais le cancer qui ronge New York n'est pas seulement le crime. C'est aussi l'hypocrisie (ce que désire vraiment les hommes), la superficialité (les collègues de travail de Thana), la misogynie (les violeurs), la folie. La folie, oui, parce que L'ANGE DE LA VENGEANCE glisse progressivement dans un onirisme étouffant. 
Personnage énigmatique parce que muette, Thana est une héroïne qui ne se définit que par ses actes extrêmes (le meurtre succède à la passivité et la mante religieuse prend le pas sur la jeune fille timide) et une psychologie défaillante mise à mal par des visions de plus en plus envahissantes. Au bout du compte, Thana ne distingue plus la réalité du cauchemar, prisonnière de son trauma, revivant son double viol à l'infini. Sa guérison devient impossible puisque, en faisant sienne le revolver de son deuxième violeur, elle devient l'esclave de ce symbole phallique en puissance, contrôlée dans ses pulsions par un objet dont le pouvoir devient une drogue. De même, elle est incapable de se débarrasser du corps de ce même violeur, ne l'abandonnant que morceau par morceau dans un jeu de piste macabre dénué de logique, l'entrainant toujours un peu plus loin au bout de la nuit et de la démence. 
Sans nécessairement prêcher, Abel Ferrara nous parle du pêché et de sa présence envahissante, comme un  virus que nous portons tous en chacun de nous, les circonstances nous amenant (ou pas) à le laisser modifier notre comportement . Dans le final, massacre carnavalesque opéré au ralenti (un procédé qui fait définitivement virer le film vers le fantastique pur et dur), Thana revêt les habits d'une nonne, moment de fétichisme absolu. Elle est à la fois le pardon et le châtiment, un ange et un démon. Il n'y a plus de distinctions entre le pêché et la vertu.Thématique parcourant tout le film, le déguisement (le premier violeur est masqué, Thana change peu à peu de tenue vestimentaire, puis le bal costumé du climax) participe de cette analyse du pêché comme dissimulation et perversion de notre identité profonde. Chez Ferrara, le pêché se porte (et se transmet) comme un vêtement qui nous dissimule.
L'ANGE DE LA VENGEANCE est un film précieux, soigné, formidablement interprété par Zoe Lund, passant en un seul regard de la folie à la détresse puis à la séduction et qui transcende sans problèmes son maigre budget. Une perle noire !



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire