samedi 2 avril 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 1980 #6 - ELEPHANT MAN


Impressionné par le style de ERASERHEAD, cauchemar en noir & blanc inclassable, Mel Brooks producteur confie la réalisation d'ELEPHANT MAN à l'indépendant David Lynch. Inspiré par l'histoire authentique de Joseph Carrey Merrick et basé sur les écrits du médecin qui le recueillit alors, le docteur Frederick Treeves, ELEPHANT MAN mêle en un tout cohérent, horreur, tragédie et biopic victorien nimbés d'effets de styles tant sonores que visuels qui ont depuis constitué la "signature" de David Lynch.
Passé la nature linéaire d'un scénario assez factuel (comprenez pas vraiment transcendant), ELEPHANT MAN est un film qui se ressent bien plus qu'il ne s'analyse. Magnifiés par le splendide noir et blanc de Freddie Francis, chaque plan peut être appréhender comme un tableau à part entière. Le Londres victorien ainsi reconstitué se montre pesant, industriel, incroyablement inhospitalier, comme une ruelle maculée de suie et de crasse diverse, menaçant d'empiéter sur le luxe immaculé des classes supérieures. Jusqu'à l'inévitable déferlement de poivrots et autres rejets de la société venus tourmenter le pauvre homme éléphant dans son refuge à l'hôpital de Londres.
L'émotion, constamment présente, est formidablement véhiculé par un casting sans fausses notes. Anthony Hopkins et Freddie Jones, monstres de charisme pur, interprétant chacun les deux face d'une même pièce, se disputent entre indignation, pitié et manipulation la garde de l'homme-éléphant. Lequel, interprété par John Hurt sous une impressionnante couche de maquillage, porte sa difformité autant comme une souffrance que comme un miroir dans lequel ceux qui l'entourent ne tardent jamais à découvrir leur vraie nature. Tout aussi impeccables, Anne Bancroft et John Gielgud illuminent ELEPHANT MAN d'une classe et d'une rigueur morale (pas de misérabilisme, pas de voyeurisme) à toute épreuve. 
En dépit d'une conclusion partagée entre tristesse abyssale et onirisme, David Lynch fait d'ELEPHANT MAN l'un de ses films les plus optimistes (avec UNE HISTOIRE VRAIE - les deux œuvres fonctionnant d'ailleurs merveilleusement bien l'une à la suite de l'autre). Un film qui nous assure que la beauté et la bonté peuvent se trouver en toute choses, même là où un œil peu exercé ne saurait voir que la laideur.

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