Les mots qui noirciront ce soir les pages de mon journal ne seront pas les miens mais ceux d'une jeune femme, un lieutenant de police qui s'appelle Audrey Orlando. Elle nous a reçu ce matin, dans le bureau qui jouxte les trois cellules, dont l'une d'elles est occupée par Charles Tissier. Les yeux brillants d'une formidable détermination, une tasse de café déjà froid à la main, elle nous a raconté son histoire et celle de Charles Tissier. Carole a tout filmé et ce qui suit est une retranscription fidèle de TOUT ce qu'elle nous a dit.
"J'ai plus de raisons que n'importe qui ici de vouloir tuer Charles Tissier. L'envie est tenace, croyez-moi. Parce que j'ai vu les corps de ses victimes, mais pas seulement. Il ne se passe un moment sans que je veuille pénétrer dans cette cellule et assassiner ce monstre. De mes propres mains, de préférence. J'ai une vision très précise de ce que j'aimerais lui faire subir et ça ne me fait même pas peur. Je sais que je prendrais du plaisir à faire couler son sang, à le faire souffrir, à le répandre dans toute la cellule. Mais si je fais ça, alors c'est lui qui gagne. C'est exactement ce qu'il veut, mourir plutôt que de rester enfermé comme une bête.
Laissez-moi vous expliquer quelle genre de monstre est Charles Louis Tissier. Il se croit meilleur, plus intelligent que le reste de la race humaine. Il n'était qu'un simple enseignant sans éclat mais, au vu de ses capacités intellectuelles, il aurait pu diriger un ministère s'il l'avait voulu. Mais enseignant, c'était mieux pour lui. Le confort de l'anonymat, vous comprenez ? Je ne sais pas exactement combien de victimes il a à son palmarès mais les journaux comme les dossiers que nous avions sur lui sont sûrement très loin du compte. Au cours des différentes perquisitions à son domicile, nous avons trouvé parmi ses trophées un bracelet appartenant à une enfant de six ans disparue alors que Tissier ne devait pas avoir plus de 13 ans. Il a commencé tôt et il a commencé par le meurtre. Violeur et pédophile, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Les petites filles, c'est juste parce qu'il y avait pris goût. C'est un tueur, purement et simplement. Un prédateur doué. Doué pour ne pas éveiller les soupçons et brouiller les pistes. Ses méthodes pour faire disparaître les corps et le rythme auquel il commettait ses meurtres ne correspondait à presque aucun profil connu. Un cas unique.
J'ai rejoint l'affaire lors de la découverte du corps d'une gamine dont le nom était Angélique Simon. Elle avait huit ans. Violée puis assassinée. Mais ça ne résume même pas tout ce qu'elle a enduré aux mains de Tissier. J'étais présente à l'autopsie. J'ai vu le médecin légiste, un grand gaillard endurci qui en avait vu de dures, pleurer en énonçant chacune des blessures, en en découvrant la cause. Moi-même, je n'ai pas dormi pendant une bonne semaine. On ne vous prépare à ça à l'école de police. Oh, non ! Quel manuel pourrait nous y préparer après tout ?
L'enquête a duré, a duré, a duré. J'avais déjà interrogé Tissier comme simple témoin et je voudrais vous dire que je l'avais trouvé louche mais non, je n'y ai vu que du feu, comme les trois psychiatres qui l'ont analysé après son arrestation d'ailleurs. A chaque disparition, à chaque cadavre, j'ai annoncé la nouvelle en personne aux parents. Je n'ai pas d'enfants mais j'ai compris ce qu'il ressentait. Il aurait fallu que je sois une salope au cœur de pierre pour ne pas que ça me déchire l'âme. Sans cette histoire de voiture volée, je crois bien que nous ne l'aurions jamais attrapé.
Mais nous l'avons attrapé. Et je suis celle qui lui a passé les menottes, non sans fierté et le sentiment que justice allait être rendu. Il m'a haï plus que n'importe qui d'autre pour ça. Il continue de me haïr pour ça. La presse a parlé de preuves accablantes. C'était mieux que ça. Il y avait les trophées, ces objets personnels récupérés sur chaque victimes, mais il y avait aussi des cadavres avec ADN et tutti quanti. Lui, il a tout nié avec un sourire. Il a d'abord parlé d'un coup monté puis son avocat nous a sorti les emplois du temps de Tissier, comme quoi les meurtres et la présence du suspect en cours à ces moments-là le disculpait. Sans parler des évaluations psychologiques qui en faisaient presque un saint. Tout ça, c'était de la merde comparé aux faits et aux preuves matérielles mais l'avocat a réussi à gagner pas mal de temps.
Et puis, les morts ont commencé à se relever et ... bon, je vous fais pas un dessin, ça a mal tourné. La panique, les évacuations, les pillages. La fin du monde, étape par étape. On m'a assigné au maintien de l'ordre en périphérie de Rodez et, pendant ce temps-là, un transfert de tous les détenus vers un lieu plus sûr a été mis en place. L'idée du préfet était simple : au cas où la situation deviendrait totalement incontrôlable, il avait l'intention d'avoir tous les prisonniers rassemblés dans une seule et même prison, de tout boucler puis de jeter la clé dans la nature pour éviter qu'il puisse sortir un jour. Mais Tissier a profité du transfert pour se faire la belle. Il a tué deux policiers puis il est venu chez moi, en mon absence. J'avais un fiancé et une soeur, et un neveu de quatre ans. Tout le monde logeait chez moi depuis le début de l'épidémie. Il les a tous tués et m'a laissé un message. Le message disait ceci : "Voici ta récompense pour m'avoir enfermé et m'avoir humilié. C'est le prix de ma liberté. Tu peux être fier de toi, petite pute de la République." Il les a écorché vif, puis il les a ficelé et ... et puis ... il a pendu par les pieds, accrochés aux plafond. Comme il n'avait pas touché à leur tête, ils sont revenus, se tortillant et gémissant. Me forçant à les abattre Son espoir secret, je crois, c'était que je me suicide aussitôt après, que je me tire une balle dans la tête ou que je m'ouvre les veines après ça. Charles Tissier est plutôt doué aussi pour comprendre comment les gens fonctionnent et j'étais prêt de lui donner satisfaction. J'avais le canon de mon arme dans la bouche et le doigt sur la détente. Mais je ne l'ai pas fait. Je sais pas pourquoi. Au lieu de ça, j'ai pris des affaires, sans oublier mes menottes et mon calibre et je me suis lancé à sa poursuite au beau milieu de ce chaos. Avant ça, j'ai descendu les corps, je les ai recouvert d'un drap et j'ai tout brûlé.
En le poursuivant, j'ai laissé mourir un paquet de gens, des gens que j'aurais pu sauver. Il a laissé quelques cadavres pour moi, sur le chemin. Il ne lui a pas fallu plus de 3 jours pour comprendre que j'étais à ses trousses, m'entraînant toujours plus vers le nord. Je l'ai rattrapé à 12 km de ce camp. Il voulait que je le tue. Pour me motiver, il s'est mis à me raconter par le menu tout ce qu'il a fait subir à ma famille. Mais je n'ai pas tiré. Je l'ai assommé d'un coup de crosse et je lui ai passé les menottes. Lorsqu'il a repris conscience, il s'est mis à hurler comme un enfant. C'était effrayant et pathétique à la fois. Il m'a insulté, me balançant un chapelet de saloperies innommables, me suppliant de le tuer. Comprenez bien ça, il déteste être privé de sa liberté. En prison, il aurait trouvé le moyen de se suicider si on l'avait condamné à la perpétuité. Il déteste ça, il en souffre, pire que si je lui insérais des aiguilles dans les parties génitales ou dans les yeux. C'est pour ça que je tiens à ce qu'il reste en vie, menotté comme un animal.
Nous sommes arrivés au camp. Je lui ai confectionné une jolie laisse pour le traîner jusqu'ici.
Voilà, vous savez tout. Maintenant, faîtes-moi plaisir. Ne le tuez pas. Gardez-le en vie pour qu'il profite bien de chaque instant de sa captivité. Faîtes-moi ce plaisir."
Personnellement, je suis d'accord pour respecter les volontés du lieutenant Orlando.
Oh, un beau monstre, brrr :-)
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