Carole avait déjà quitté mon lit avant que je ne me réveille. Je ne l'ai pas entendu se lever, s'habiller et partir. Une nouvelle grasse matinée à mettre sur mon compte. Dans un coin de la pièce, elle a laissé une partie de ses affaires. Je n'avais pas tout à fait prévu de la voir emménager si vite.
J'ai sauté le petit déjeuner et j'ai rejoint Alexis pour l'inventaire du jour. Seulement pour me rendre compte qu'il avait déjà terminé. Il y a des jours où l'on se demande vraiment à quoi on sert. Il m'a lancé un sourire on ne peut plus explicite en me voyant arriver, le sourire qui veut dire "alors ?". Tout le monde est déjà au courant pour Carole et moi. Les nouvelles circulent vite. Comment pourrait-il en être autrement après tout ? Je lui ai lancé un "sans commentaires" tout aussi explicite ce qui a suffi, à ma grande surprise, à le faire taire.
C'est alors qu'une gigantesque détonation a secoué tout le camp. Une détonation suivi de cris et de jubilations. Les bazookas, évidemment. Les distractions ne sont pas vraiment légions pour les soldats et la tentation de tester leurs nouveaux joujous était trop forte. Alexis, Kader et Jonathan sur mes talons, je me suis précipité sur le chemin de ronde pour voir le résultat. Un grand trou carbonisé avec des bouts de zombies un peu partout. Joli carton. Voyant qu'ils avaient désormais un public, les soldats ont remis le couvert, visant une épave de voiture et les trois zombies rôdant autour. Un "woooosh !". Un "KABOUM !". Un deuxième carton. En explosant, la voiture a projeté un paquet de débris. L'une des portières est même venue s'écraser sur un zombie projeté au sol par l'explosion. De là où je viens, on appelle ça un combo !
Puis le capitaine Thibault est arrivé et a sonné la fin de la récréation.
Nous avons rigolé comme des ados pendant tout le repas de midi, décortiquant l'explosion, le plaisir d'avoir vu ces zombies mordre la poussière, déchiquetés. C'est un plaisir que je partage. Peu importe que ces créatures ait autrefois été des gens, des êtres vivants avec des rêves et tout le tralala. C'est fini aujourd'hui. En un sens, Verney n'a pas tort. Nous sommes en guerre contre eux. Question de territoire, question de survie. On peut débattre moralité si on veut, mais à quoi bon ? Les zombies ne sont plus des humains. Il n'y a pas de traité de Genève à brandir dans notre situation. En renvoyer le maximum ad patrès, c'est une bonne chose. En retirer de la satisfaction, voire du plaisir, c'est un bonus. Nous avons tous vu un membre de notre famille ou un ami dévoré ou contaminé. La vengeance est justifiée, non ?
L'idée d'un enclos à bétail a fait son chemin. Babacar et Frédéric (qui a abandonné sa bibliothèque, au moins temporairement) ont passé l'après-midi à plancher dessus. Ils ont tracé un carré au sol et ont planté des piquets.
J'ai remarqué que le petit Mohammed passe beaucoup de temps sur la tombe de son grand-père. Sa soeur est venu le chercher pour jouer, mais il l'a ignoré. Dans son regard, ce n'est déjà plus un enfant.
Les vieux frères Bonnal m'ont filé de quoi me confectionner trois bons gros joints. Le tarif ? Trois magazines cochons que je me trimballais depuis Paris. Je me disais bien que, en cas de troc, ils auraient de la valeur. Ne jamais sous-estimer le pouvoir que des photos de femmes nues peuvent avoir sur des célibataires endurcis, quel que soit l'âge des dits célibataires.
Après le souper, Carole est venue me rejoindre sous la douche. On a pas beaucoup parlé. J'ignore où ça va nous mener, mais pour l'instant c'est agréable, pour moi comme pour elle je suppose. C'est difficile de l'admettre pour moi, mais ça me rend toute cette situation plus ... supportable.
Elle s'est endormie à côté de moi et elle s'est mise à ronfler. Marrant. Les ronflements me poursuivent où que j'aille. Il va falloir que nous prenions nos précautions. Hors de question que je la mette en cloque. C'est pas le bon moment.
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