lundi 6 juin 2011

LE SURVIVANT - ??? (épisode #73)

Voici ce que ma mémoire, ce que mes yeux et ce que mon coeur me disent :

J'ai franchi la porte et je n'ai pas vu de lumière, seulement les ténèbres. Je me suis avancé et je n'ai pas eu peur. Je n'ai pas ressenti le froid mais la chaleur. La porte s'est refermée derrière moi et je me suis retrouvé dans une  pièce aux dimensions inhumaines. J'ai appelé mais personne ne m'a répondu. Ma voix s'est répercutée dans un écho infini. Alors, je me suis tu et j'ai attendu. Une douce lumière verte est venue, en récompense à ma patience. Le sol sous mes pieds semblait de marbre. Face à moi se trouvait une momie trônant sur un fauteuil de bureau complètement moisi. La momie avait un casque sur la tête et elle était si proche de moi que j'aurais pu la toucher si je l'avais voulu. 

Soudain ...

Une main s'est doucement posée sur mon épaule et la voix du lieutenant Orlando m'a chuchoté à l'oreille : "Viens avec moi."

La lumière est devenue aveuglante et une force m' a arraché du sol, me propulsant très haut. Mon crâne était prêt à exploser. Mais, à nouveau, la voix du lieutenant Orlando est parvenu à mes oreilles. "Laisses-toi faire, Lucas. Ils ne veulent pas te tuer."

Qui sont-ils ? 

"Ils sont tous ceux que tu portes en toi et ils sont plus anciens que le Monde."

Le temps s'est arrêté. Le monde s'est arrêté. Mes amis, ma famille, les femmes que j'ai aimé ... tous sont venus me faire leurs adieux et j'ai ressenti tout ce qu'ils ont ressenti au moment de mourir.

Je suis le lieutenant Audrey Orlando et la dernière chose que je vois est cet homme en pleurs, ses lunettes cassées et de travers, qui me plante un couteau dans le coeur. Je sens la vie qui m'échappe et je m'effondre sur le sol froid et souillé d'un hôpital abandonné. L'homme s'enfuit avec mes vivres. Je suis morte et mon âme est attiré par ce lieu ...
Je suis mon propre père et j'ignore d'où viennent ces balles qui me transpercent un peu partout. Le chaos est tout autour de moi et je n'ai plus la force de tenir la main de ma femme, ...
Je suis ma propre mère et je tiens dans mes bras un jeune soldat. Les morts-vivants nous encerclent et je tire la goupille d'une grenade. Je compte les secondes qui me séparent de la détonation et je pense à mon fils, ...
Je suis le capitaine Thibault et je ne sais pas que je suis déjà mort, ...
Je suis Pierre et je sens une main me tirer vers les profondeurs mais je ne me noie pas, ...
Je suis Carole et mon corps n'est que douleur. J'attends cette balle qui viendra me délivrer, ...
Je suis Elisa et les flammes me dévorent, moi et l'enfant que je porte. Je ne pense pas, je ne fais que hurler. Je suis sur un bûcher et mes assassins prient pour le salut de mon âme. Ils prient un Dieu qui, je le sais maintenant, n'existe pas, ...

Je suis à nouveau moi-même et toutes les voix me parlent : "Nous t'aimons Lucas et nous devons te quitter. Nous avons vécu en toi comme des fantômes. Nous t'avons hanté, mais plus maintenant. Tu es libre."

Je sais que je devrais pleurer mais j'en suis incapable. 

Avant de me quitter pour toujours, le lieutenant Orlando me dit ceci : "Tu es l'un des sept, Lucas. La peste qui s'est abattu sur le monde n'est que le début. L'armée des morts n'est que l'avant-garde. Une autre armée surgira bientôt des profondeurs et tu en seras le témoin. Tu es l'un des sept mais tu n'es pas spécial. Adieu et courage."

Je sens la présence de six autres personnes dans la lumière. L'espace d'un instant, nos esprits ne font qu'un.

"Qui es-tu ?" dit Lucas Barillet.
"Who are you ?" dit la petite fille noire.
"Itai desu !" hurle le vieil homme.
"Hvordan ?" dit l'homme aux cheveux si blonds.
"Mey toânem beyâyeme ?" demande la jeune femme couverte du sang de son frère.
"Apa nama Anda ?" demande le garçon aux mains écorchées. 
"Me pueden ayudar ?" dit la jeune femme aveugle.

Et tout s'arrête. 

Je me suis réveillé sur un sol de terre battue, au bord de la route. Mes vêtements sont en haillons. Mon corps est bronzé et je me sens en pleine forme. Mes cheveux sont longs et ma barbe broussailleuse. J'ai ramassé mes affaires et un vieux journal aux pages jaunies est tombé par terre. Je me suis souvenu que je m'étais fait la promesse de remplir ces pages tous les jours. Le premier stylo que j'ai pris n'écrivait plus car l'encre avait  séchée depuis longtemps. J'en ai pris un neuf que j'avais gardé de côté pour le cas où et j'ai commence à écrire. 

Je n'ai pas oublié. Cela fait maintenant deux années entières que j'ai passé la porte de cette station radio perdue au milieu d'un champ en friches. Une longue route m'attend et la mer m'appelle. Je fais partie des sept et je dois voir ce qui arrivera.

1 commentaire: