Encore une nuit à la belle étoile et je suis certain que je vais finir par oublier à quoi ressemble un matelas et le confort d'un lit digne de ce nom. Mon pauvre dos, en tout cas, s'est déjà fait une raison.
Une autre secousse, bien plus longue et violente que celle de la veille est venue me tirer de ma torpeur matinale. J'ai fait un rêve étrange la nuit dernière, bien éloigné de mes cauchemars habituels. Je dis rêve, mais le terme "message" serait plus approprié. Dans un ciel sans étoiles, pétrifié, il m'était impossible de détourner le regard d'une lune anormalement grande, fendue en son centre par une large faille rougeoyante. Tout autour de moi, je pouvais entendre les hurlements d'un millier de bêtes. Puis, comme si quelqu'un avait pris le contrôle de mon corps, mon regard fut tourné vers une colline. Au sommet de cette colline se trouvait Carole et Pierre, aussi majestueux que des statues. Le visage beau et impassible de Carole, lentement, presque imperceptiblement, s'est illuminé d'un sourire de compassion. A sa droite, Pierre a levé le bras, pointant un index crochu. Les hurlements ont cessés aussitôt. Retrouvant enfin le contrôle de mes membres, je me suis retourné et j'ai pu voir ce que Pierre tenait à me montrer. Une immense colonne de feu s'élevant jusqu'au ciel. Une colonne de feu aux couleurs changeantes trouvant sa source dans une petite bâtisse carré au centre d'un champ en friche. Sur le toit de ce bâtiment se trouvait une antenne.
C'est à ce moment que je me suis réveillé. Et c'est à ce moment que j'ai compris qu'il me faudrait trouver cet endroit. Pour une fois, je ne me suis pas posé une seule question à ce sujet. Pas de remise en cause. Pas d'heures perdues à gamberger.
Je n'ai pas eu à chercher longtemps la colline où se tenaient les apparitions de Carole et Pierre. Je me suis levé, je me suis tourné vers le nord ... et elle était là cette foutue colline. Baignée dans la lumière putride et irréelle du jour. La bâtisse que je cherche se trouve donc à l'exact opposé, au sud. Mais, contrairement à mon rêve, les distances ne sont pas les mêmes, malheureusement. Combien de journées de marche ? Pas l'ombre d'une idée. Mais je suis mis en route. Peu importe le temps que ça prendra.
Tuer des zombies, c'est comme faire du vélo, c'est un savoir qui ne s'oublie pas. A sept reprises, ma machette s'est abattue pour fendre des crânes au cours de cette journée. Mais j'ai bien dû croiser dix fois plus de morts-vivants. Ils se dirigent vers le nord, par petits groupes.
A la recherche de signes autant que de nourriture, je n'ai pas avancé très vite. J'ai rejoint la route départementale 48, fouillant certaines épaves. Dans le coffre de l'une d'elles j'ai mis la main sur une canette de Ginger Ale, tiède certes mais c'est mieux qu'un coup de pied au cul. J'ai dépassé la commune de Montdardier et j'ai élu domicile pour la nuit dans la cabine d'un semi-remorque. Un véritable palace à mes yeux.
Mais ce n'est pas tout. Il y a quelques instants, la radio s'est mise en marche toute seule, crachant un vieux tube de rock n'roll joué par Carl Perkins, "Everybody's trying to be my baby". Le morceau terminé, le dj a pris la parole. Une voix de femme, rauque mais bizarrement enjouée. Une voix que je n'avais pas entendu depuis bien longtemps mais que je n'avais pas oublié. La voix du lieutenant Audrey Orlando. Passée la surprise, passée le boniment de dj vantant les bienfaits du rock n' roll en cette époque tourmentée, une information capitale a retenu mon attention. Je sais désormais où se trouve la source de l'émission. A une vingtaine de kilomètres au sud ouest, près d'un lieu s'appelant Le Mas.
D'autres tubes de rock n' roll se sont succédés. Je me suis endormi au son de "Blueberry Hill" de Fats Domino. J'ai connu de pires moments.
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