jeudi 2 juin 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #65 - PLATOON

Réalisé par Oliver Stone - Sortie US le 19 décembre 1986.
Scénario : Oliver Stone.
Musique : George Delerue.
Directeur de la photographie : Robert Richardson.
Avec Charlie Sheen (Chris Taylor), Tom Berenger (Sergeant Barnes), Willem Dafoe (Sergeant Elias), Forest Whitaker (Big Harold), Francesco Quinn (Rhah), John C. McGinley (Sergeant O'Neil), Richard Edison (Sal), Kevin Dillon (Bunny), Reggie Johnson (Junior), Keith David (King), Johnny Depp (Lerner), ...
Durée : 120 mn.
1967. Dans un pur élan de rebellion, le jeune Chris Taylor quitte ses études pour s'engager dans l'armée et part au Vietnam. Sur place, il est confronté aux horreurs de la guerre et se retrouve au milieu du conflit opposant les sergents Barnes et Elias, ...


Premier volet d'une trilogie (suivront NE UN 4 JUILLET puis ENTRE CIEL ET TERRE), PLATOON est sans le moindre doute possible LE film définitif sur la guerre du Vietnam. Non seulement parce qu'il s'agit d'un film fortement autobiographique (contrairement à Coppola, Cimino ou Kubrick qui ont abordé le sujet, Oliver Stone a vécu ce conflit snaglant), mais aussi parce que le soin apporté au casting, au scénario et à tous les autres aspects de la production confère au film un réalisme sidérant. 


Vu à travers les yeux du jeune Chris Taylor (Charlie Sheen, crédible), la guerre du Vietnam nous apparaît comme un animal vorace, dévorant l'innocence, l'éthique, l'idéalisme et l'humanité d'une jeunesse américaine dénuée de repères. Stone enchaîne les portraits de soldats avec une incroyable lucidité. Drogue, racisme latent, lutte des classes, colère, folie meurtrière écorchent le moral et la cohésion de cette armée américaine bien plus encore que les attaques surprises du Vietcong. Métaphore teintée de fantastique dans VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER ou APOCALYPSE NOW, le cauchemar (au sens propre) du Vietnam prend ici tout son sens. Stone concentre sa caméra sur les regards fatigués de ses trouffions et brouille petit à petit tous les repères temporels. Il devient ainsi dans le dernier tiers impossible de savoir si des jours, des mois ou des années se sont glissés entre chaque ellipse. Le massacre du village situé en plein cœur du métrage est à ce titre révélateur. Longue, cruelle, suintante d'humidité et se concluant dans le sang et les flammes, cette séquence pousse le spectateur dans ses retranchements, lui faisant espérer à chaque minute que tout cela n'est qu'un mauvais rêve, qu'il va bien finir par se réveiller. L'animalité et l'agressivité frustrée des soldats éclatent ici au grand jour. Viol, meurtre, torture, tout y passe. 


Thème récurrent chez Oliver Stone (voir SCARFACE ou CONAN LE BARBARE dont il signa les scénarios), la quête du père ou tu du moins d'un modèle, d'un mentor, trouve ici à sa place. Le cinéaste amène ainsi son héros/alter-ego à se débattre entre deux influences opposées mais sans pourtant verser (presque) dans le manichéisme de bas étage. D'un côté, le sergent Barnes (Tom Berenger, dans le rôle le plus important de sa carrière) en appelle à la bête en chacun de nous. Il est un survivant, à l'aise sur le terrain et au combat, et au moins aussi doué pour composer avec sa hiérarchie. Bien que violent et amoral, ce n'est pas un homme mauvais pour autant. C'est un guerrier pragmatique, conscient qu'en plein merdier les sentiments n'ont absolument pas leur place. Sur son chemin se trouve Elias (Willem Dafoe, impeccable comme d'hab'), un autre genre de survivant, plus porté sur l'idéalisme et la notion de camaraderie. Pour les soldats qui le soutiennent, il est l'incarnation vivante que quelque chose de bon, sinon d'utile, peut sortir de cette guerre. Peine perdue. En mourant sous les balles de l'ennemi tel un Christ endurant la Passion, les bras en croix, c'est bel et bien l'espoir et l'innocence qui disparaissent définitivement avec lui. Subtil ? Non, pas vraiment. Mais foutrement efficace par contre.


Triomphe aux oscars, PLATOON est l'aboutissement de l'acharnement de son auteur pour porter à l'écran son traumatisme. Oliver Stone y a mis toutes ses tripes et ça se ressent. Parce que PLATOON se regarde avant tout avec le cœur. Ce n'est pas du cinéma pour les cyniques. Et vu le sujet abordé, c'est un exploit de taille.



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