Je traverse des villages mais je ne croise personne. Ce qui n’a rien d’étrange. L’exode qui a mené les survivants vers le campement des Sorcières est déjà passé. Certains ont laissé des messages, cloués à la porte de leurs anciens refuges. Des messages qui ne sont destinés à personne. On y parle de rêve et de destin, de lumière et d’ombre. Un trop plein d’idées, d’espoirs mais aussi de peurs, déversées sur du papier. Se vider l’esprit et la conscience avant de prendre la route. Histoire de voyager sans troubles, plus léger.
Ce qui est bien plus étrange, ce sont les morts-vivants. Les morts cessent de marcher. Le virus qui les maintenait en vie ne fait plus effet. Un nombre croissant de zombies jonchent le bord des routes. Leurs bras et leurs jambes sont sans vie mais la mâchoire d’un certain nombre continue de remuer, mâchonnant dans le vide sans émettre d’autres sons que le craquement des jointures. J’en ai aussi vu d’autres s’écrouler devant moi, soudainement. Des marionnettes dont on a coupé les fils. Ils ont bien servi et leur action en ce monde est terminée. Ils ont causés la perte de milliards d’êtres humains et ont ébranlés les croyances des survivants. Plutôt que de s’unir face à la menace, l’humanité s’est autodétruite avec un zèle exemplaire. Il ne pouvait en être autrement. L’homme a toujours eu la plus grande facilité à se débarrasser de ses semblables, utilisant des prétextes douteux et prenant avantage de nos faiblesses. Face à des circonstances aussi improbables que la résurrection des morts, il ne fallait pas attendre mieux de ce pathétique animal qu’est l’être humain. On peut se lamenter des heures et des heures sur le sort tragique d’innombrables victimes sans pouvoir nier, en fin de compte, que nous l’avons bien cherché. Nous avons nagé dans le malheur et la souffrance, à l’aise comme des poissons dan l’eau, sans pouvoir anticiper la vague ultime, celle qui parviendrait à nous noyer.
Mais le temps des zombies est passé. Définitivement. Et face à ce qui s’annonce, je me demande combien de survivants vont regretter de ne pas avoir été mordu et transformé en mort-vivant avant de s’éteindre paisiblement, déchet inutile sur le bitume, mais délivré de la peur et du doute. La douleur de la chair brièvement mutilée et la fièvre brûlante qui précède la transformation, on peut dire que c’est pas grand-chose comparé à des tourments inconnus. C’est une pensée qui, dans les prochains jours, mois et années (siècles), ne va pas manquer de traverser un bon paquet d’esprits fatigués et meurtris.
J’ai décidé de faire une halte pour la nuit. Je peux dormir sans craintes à présent. Bien que la peur des zombies me soit passée depuis bien longtemps, ne plus entendre leurs déambulations sans fin et leurs gémissements cadavériques est un luxe. Je sais déjà que mon sommeil sera profond et sans rêve et c’est une perspective réjouissante. Je me suis trouvé une maison particulièrement agréable, avec des draps propres dans une armoire. Le matelas est confortable et l’odeur de la mort a quitté les lieux.
Au lever du jour, je laisserais moi aussi un message. Il sera court.
« Le Survivant n’abandonne pas. Il poursuit la dernière route. »
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