mercredi 8 juin 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #71 - PREDATOR

Réalisé par John McTiernan - Sortie US le 12 juin 1987.
Scénario : Jim Thomas & John Thomas.
Musique : Alan Silvestri.
Directeur de la photographie : Donald McAlpine.
Avec Arnold Schwarzenegger (Major Dutch Schaefer), Carl Weathers (George Dillon), Bill Duke (Mac Eliot), Jesse Ventura (Blain Cooper), Elpidia Carrillo (Anna), Sonny Landham (Billy Sole), Richard Chaves (Jorge "Poncho" Ramirez), Shane Black (Rick Hawkins), Kevin Peter Hall (The Predator), ...
Durée : 107 mn.
Une équipe de mercenaires dirigée par le major "Dutch" Schaefer est envoyée dans la jungle d'Amérique Centrale pour sauver une poignée d'officiels américains qui se sont écrasés en hélicoptère et ont été capturés par les guérilleros. Sur place, ils découvrent les restes atrocement mutilés d'une précédente équipe de sauvetage, ...
  

En pleine possession de ses moyens, John McTiernan transforme un scénario de série Z en sommet de mise en scène. La victoire incontestable de la forme sur le fond. Produit calibré – avec Joel Silver à la production et Arnold Schwarzenegger en tête d’affiche, il ne pouvait en être autrement – PREDATOR dépasse son statut de film d’action lambda par la précision de ses cadrages et la fluidité de ses mouvements de caméra. Plus élégant, séduisant et réfléchi que bêtement fonctionnel, le style McTiernan apporte un surcroît indéniable de crédibilité à un genre souvent regardé de haut par l’ensemble des critiques.


Peu importe les explosions, les fusillades, les effets spéciaux, les punchlines aussi débiles que délicieuses (« Toc, toc ! », « Aiguises-moi ça ! »), sous ses atours d’actionner bourrin et fédérateur, PREDATOR est un pur film d’auteur. McTiernan transpose dans un film de studio les thématiques fondamentales de son premier long-métrage ésotérique (et peu connu du grand public), NOMADS. Menace invisible qui sème la mort, géométrie implacable et claustrophobique du décor et régression progressive de l’homme civilisé vers un état bestial, primitif. PREDATOR et NOMADS tiennent le même discours et partage un goût certain pour l’abstraction (la longue scène, maintes fois analysée, où le commando vide chargeurs sur chargeurs sur plusieurs hectares de forêt) et l’expérimentation (la vision subjective en infra-rouge du Predator et ses couleurs primaires ou encore son camouflage qui déforme le décor). Seule la méthode diffère. NOMADS est construit sur la base de nombreux flash-backs. PREDATOR est linéaire au possible. NOMADS est complexe et anxiogène. PREDATOR est limpide et divertissant, iconique comme une bande dessinée. En seulement deux films pourtant opposés dans leurs ambitions apparentes, John McTiernan vient déjà de peindre une œuvre riche et cohérente.


Audace ô combien jouissive, PREDATOR se permet enfin, pendant ses vingt dernières minutes, d’illustrer un affrontement quasi muet (pas plus de cinq lignes de dialogues très brèves pour un Schwarzie titanesque) et d’affirmer la toute puissance d’une narration exclusivement visuelle. Les deux adversaires se préparent, se jaugent, se cherchent au cœur de la nuit. La musique percussive, tribale de Alan Silvestri renforce encore un peu plus l’impact primal de ce dénouement surprenant. Pour la première fois depuis bien longtemps (depuis CONAN LE BARBARE en fait, lorsque le héros est crucifié à un arbre, provisoirement vaincu), Schwarzenegger incarne autre chose qu’une montagne de muscle invincible. Face à la force physique et à la carrure inhumaine du Predator, Schwarzenegger fuit le combat et craint pour sa peau. L’ouïe du monstre transforme même la respiration paniquée d’Arnold en bruits aigus, semblables à ceux d'un petit animal apeuré. Avec pour effet de démultiplier la menace inédite que représente le chasseur extra-terrestre. Conscient que le simple spectacle de destruction et de mort offert pendant un peu plus d’une heure n’est pas suffisant pour garder le spectateur éveillé, McTiernan baisse le son, fait tomber les masques et fait monter les enjeux. On s’éloigne ici du COMMANDO ou du TERMINATOR qui faisait craindre le pire à ses adversaires et dominait l’écran de toute sa stature impassible. PREDATOR dépouille Arnold Schwarzenegger, la star bodybuildé des années 80, de son statut de demi-dieu vivant. Le regard perdu dans le vide, il sait qu’il ne doit sa survie qu’à un infime coup de chance. Bienvenue parmi le commun des mortels !  


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