Nîmes n'est plus que cendres et gravats. Je m'étais juré, il y a un certain temps de cela, de ne plus traverser de grandes villes. Mais, aujourd'hui, la menace n'est plus la même qu'auparavant. Les morts-vivants ne sont plus aussi nombreux dans la région. Ils ont déserté le sud en masse, laissant les restes de leurs festins pourrir au soleil. Ceux qui se sont attardés en route ne m'ont pas posé le moindre problème. Ce fut même un plaisir d'abréger leur séjour sur ces terres perdues.
Après une longue marche de nuit, je suis entré dans Nîmes à l'aube par une ancienne route nationale, encombrées de carcasses de voitures, croisant des postes de défense abandonnés. J'en ai profité pour me servir en armes (un pistolet automatique et un fusil mitrailleur avec quelques chargeurs) en grenades, en rations de survie. J'ai également échangé mon vieux sac fatigué contre un modèle militaire plus grand et plus résistant.
J'ai traversé la ville de part en part, sans m'attarder. Peu de bâtiments tiennent encore debout. Le grand centre hospitalier n'est plus qu'une façade calcinée. Il semblerait que la ville ait subi un bombardement. Un acte désespéré ? C'est ce que je crois. Tous les 500 mètres ou presque, j'ai pu voir des entassements de cadavres, des bûchers funéraires que personne n'a jamais eu le temps d'allumer. Une vieille odeur d'essence et de mort flotte dans les rues désertes. Le silence est absolu.
Cette ville a résisté à bien des tourments par le passé mais c'est terminé à présent. Il y a quelque chose de troublant dans cette pensée. Rien ne dure éternellement. C'est un lieu commun, je le sais bien. Mais qu'importe. Je ne fais qu'observer et rapporter la vérité. Presque trois fois millénaire, Nîmes a fini par s'évanouir dans le temps. Il en sera de même pour l'épidémie et la folie qui a causé sa ruine définitive.
Depuis la nationale, j'ai rejoint l'autoroute. Je suis passé tout près d'un aéroport également en piteux état, jonché de carcasses d'avions éventrées. Je doute que quiconque ait pu fuir de Nîmes par la voie des airs. L'endroit témoigne de violents affrontements. Plus loin encore, il m'a fallu traverser l'épave d'un airbus d'Air France écrasé en plein milieu de l'autoroute. A l'intérieur, un mort-vivant semblait m'attendre mais je l'avais repéré à temps. Il n'a pas eu le temps de tendre les bras et d'émettre un gémissement affamé qu'une de mes balles lui traversait déjà la boite crânienne.
Après une longue pause, perdu dans la contemplation d'un océan de débris, j'ai repris ma route et suis arrivé à Arles en fin d'après-midi.
Je m'y attendais. Le spectacle n'est guère différent. Je quitterais à nouveau l'autoroute, aussi tôt que possible. Me lamenter sur ce qui fut ne sert vraiment à rien. Les petites routes abandonnées sont plus en accord avec mon humeur. Peut-être y ferais-je des rencontres intéressantes .... Sur ce point, il est toujours permis d'espérer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire