La lumière du soleil s’atténue de jour en jour. Un grand voile, semblable à une brume sinistre, s’est abattu sur les survivants de l’apocalypse des morts-vivants. Le pouvoir qui émerge des profondeurs de ce monde s’impose chaque jour un peu plus. Mais il est sans effets sur moi. Il est trop tard pour que je me recroqueville dans un coin en pleurnichant ou que j’entame une dépression nerveuse. Il est trop tard.
J’ai laissé les Sorcières et les enfants abandonnés, leurs espoirs, leurs croyances et leurs crimes, loin derrière moi. J’emprunte une route de montagne à présent déserte, descendant lentement vers le sud et le littoral. Je ne peux pas encore voir la mer mais je peux commencer à la sentir. Je m’attendais à une odeur agréable mais celle-ci à des relents nauséabonds. Comme si toute l’énergie et la pureté de cet air s’étaient mises à pourrir dans une pièce fermée hermétiquement. Je me rappelle d’une époque pas si lointaine où je rêvais d’une retraite paisible et ensoleillée, les pieds dans l’eau. Il est trop tard, là aussi.
Je ne croyais pas à une fin mais celle-ci arrive. Encore que j’ignore si le mot « fin » soit approprié. L’issue de la guerre à venir est incertain et je n’ai pas de rôle à y jouer. Quel que soit le vainqueur, il n’y aura pas de « fin ». Une civilisation se termine. Une nouvelle commence. Et la passation de pouvoir ne se fera pas dans un soupir mais avec un sacré putain de bang ! Mais voilà que je délire à nouveau. Je connais mon rôle et je ne peux y échapper. Ce qui ne m’empêche pas une seule seconde de spéculer sur ce qui va suivre. L’imagination tourne à plein régime. J’étais persuadé de m’en être débarrassé, de cette fâcheuse tendance à passer mon temps à se poser des questions. Mais, chassez le naturel, …
Mes « intrusions » sont omniprésentes. Plus besoin de cartes, ou de suivre les panneaux, parce qu’elles m’indiquent le chemin à suivre. Mais ce n’est pas tout. Elle me relie aux six autres « témoins ». Comme moi, ils parcourent les routes, s’avançant vers leur destination finale sans risques de se perdre. Qu’ils ou elles aient froid ou chaud et je le ressens également. Au début, la sensation est troublante, inconfortable. Je me suis senti … déchiré, divisé. Reste que je ne partage que leurs sens, pas leurs pensées, ce qui n’est pas si mal. Si elles sont aussi cacophoniques que les miennes, je ne crois pas que je pourrais le supporter.
La petite fille noire est pieds nus sur une autoroute large et encombrée.
Le vieil homme traverse un village de pêcheurs dévasté par une tempête passée.
L’homme aux cheveux blonds avance toujours plus au nord et un froid glacial lui mord les joues.
La jeune femme qui ne cesse de pleurer s’endort à l’ombre d’un arbre mort.
Le garçon aux mains écorchés regarde une aube sans éclats se lever sur une grande ville.
La jeune femme aveugle est guidé par un mort-vivant sans bras sur une piste de terre.
Et lorsque la nuit tombe enfin sur les montagnes qui m’encerclent, la lien qui nous unit demeure.
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