lundi 13 juin 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #75 - AUX FRONTIERES DE L'AUBE

Réalisé par Kathryn Bigelow - Sortie US le 2 octobre 1987 - Titre original : Near Dark.
Scénario : Eric Reid, Kathryn Bigelow.
Musique : Tangerine Dream.
Directeur de la photographie Adam Greenberg.
Avec Adrian Pasdar (Caleb), Jenny Wright (Mae), Lance Henriksen (Jesse), Bill Paxton (Severen), Jenette Goldstein (Diamondback), Joshua John Miller (Homer), ...
Durée : 95 mn.
Une nuit, Caleb rencontre la belle et mystérieuse Mae et en tombe amoureux. Au moment de l'embrasser, la jeune femme le mord et prend la fuite avant l'aube. Sur le chemin du retour, Caleb manque de prendre feu à la lumière du soleil, ...


Le second long-métrage de Kathryn Bigelow est la révélation d'un talent à part. Habile variation sur le thème du vampire , road movie ultra-violent et romantique, portrait d'une Amérique agonisant dans la poussière, AUX FRONTIERES DE L'AUBE séduit par sa mise en scène racée, l'ambition de son propos et les émotions qu'il parvient à susciter pour des personnages qui ne cherchent pas à s'attirer la sympathie de qui que ce soit. 


De THE LOVELESS avec sa bande de motards mal aimés à POINT BREAK et ses surfeurs/braqueurs, en passant par BLUE STEEL et sa femme flic seule contre la violence des hommes, AUX FRONTIERES DE L'AUBE affirme lui aussi le goût immodéré de la cinéaste pour des personnages qui évoluent en marge de la société. Les vampires qu'elles filment sont bien loin du glamour habituel des Seigneurs de la Nuit. Ici, on a plutôt affaire à des outcasts sans le sou, évoluant dans la crasse, la sueur et le sang, des oubliés de l'Histoire et du miracle économique à l'américaine. Sous le leadership de Jesse (Lance Henriksen dans son meilleur rôle, c'est dit !), spectre de la Guerre de Sécession et de la défaite sudiste, ces vampires n'ont pour seul honneur que leur attachement aux valeurs du clan et ne s'excusent jamais de leur nature de prédateur sans pitiés. L'amour, la confiance, l'amitié et la liberté se placent au dessus du meurtre ou de la souffrance. Le vampirisme n'est plus le symbole d'une aristocratie décadente ou des peurs instinctives liées à la nuit mais la personnification de la condition intemporelle des exclus de la société, forcés d'abandonner la morale ou les lois pour survivre et se serrer les coudes. 


La réalisation, tantôt hypnotiques, tantôt iconique en diable, couplée à une direction d'acteur impeccable est la plus grande force d'AUX FRONTIERES DE L'AUBE. Le film regorge d'images et de scènes inoubliables (la première apparition de Severen, le massacre du bar et l'attaque du motel) et la love story entre Mae et Caleb, loin des sentiers battus, prend aux tripes. Pour autant, AUX FRONTIERES DE L'AUBE aurait gagné à mieux négocier ses ruptures de ton (western, road movie, fantastique, action, le mélange n'est pas toujours probant) et à revoir sa copie question scénario (la famille de Caleb ne sert pas à grand chose et la guérison par transfusion sanguine est purement et simplement ridicule dans son rendu à l'écran). Il faut aussi avouer que le score électronique de Tangerine Dream a un peu vieilli. Des scories qui empêchent le film de Kathryn Bigelow d'être le chef d'œuvre qu'il aurait pu. C'est pourtant pas passé loin ...

La noirceur du propos, sa violence parfois vraiment dérangeante parce que teintée de sadisme et son apport intéressant à la mythologie vampirique font d'AUX FRONTIERES DE L'AUBE une péloche importante et fascinante. Il prouve aussi à quel point le regard d'une femme peut manquer à une industrie cinématographique qui étouffe dans son ultra-virilisation des genres. Bigelow fait des films de mecs sans oublier qu'elle est une femme et, rien que pour ça, elle a ma gratitude éternelle.  

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