mardi 14 juin 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #77 - FULL METAL JACKET

Réalisé par Stanley Kubrick - Sortie US le 26 juin 1987.
Scénario : Stanley Kubrick, Michael Herr, Gustav Hasford, d'après "The Short Timers" de Gustav Hasford.
Musique : Abigail Mead.
Directeur de la photographie : Douglas Milsome.
Avec Matthew Modine (Private/Sergeant James T. "Joker" Davis), Vincent d'Onofrio (Private Leonard "Gomer Pyle" Lawrence), R. Lee Ermey (Gunnery Sergeant Hartman), Arliss Howard (Private/Sergeant "Cowboy" Evans), Adam Baldwin (Sergeant "Animal Mother"), Dorian Harwood (Corporal "Eightball"), ...
Durée : 116 mn.
La vie de marines lors de la guerre du Vietnam telle qu'elle est vue par le sergent "Joker", d'abord lors de la période d'entraînement, puis sur le terrain, ...


Stanley Kubrick et la guerre, c'est une véritable histoire d'amour. Qu'il s'agisse du thème central (LES SENTIERS DE LA GLOIRE, DR. FOLAMOUR) ou bien d'un arrière-plan historique (SPARTACUS, BARRY LYNDON), voire d'une métaphore pour définir les relations humaines (2001, L'ODYSSEE DE L'ESPACE où les premiers hominidés démontrent les premiers signes d'intelligence en apprenant à se servir d'une arme), la guerre est au cœur de l'œuvre du cinéaste. En un sens, FULL METAL JACKET représente un aboutissement. Pour la première fois de sa carrière, Stanley Kubrick s'attaque au film de guerre sans détours. FULL METAL JACKET est un film direct, concis, qui couvre toutes les conventions et les stéréotypes du genre. Visuellement parlant, c'est absolument brillant. Seul problème : le sujet choisi (la guerre du Vietnam) et la construction en deux parties bien distinctes sont des handicaps évidents. 


En se concentrant sur l'entraînement à la dure de quelques futurs marines par un sergent instructeur fort en gueule et impitoyable (formidable R. Lee Ermey, véritable vétéran du corps des US Marines, dont ce fut là le premier rôle au cinéma), Stanley Kubrick envisage la guerre comme le rite de passage le plus déshumanisant qui soit. Des esprits à peine sortis de l'adolescence sont façonnés, insensibilisés, jour après jour. On apprend à des agneaux à devenir des loups. La glorification de l'instinct meurtrier. Bien plus que dans le grand guignolesque SHINING, on touche là à l'horreur pur. La transformation du soldat "Gomer Pyle" ("Baleine" pour les amoureux de la VF), souffre-douleur maladroit et un peu lent, en terrifiant psychopathe est l'un des moments les plus marquant de la carrière du cinéaste. Il suffit de quelques plans seulement pour que le génialissime Vincent d'Onofrio détrône Alex (Malcolm McDowell dans ORANGE MECANIQUE) et Jack Torrance (Jack Nicholson dans SHINING) du panthéon des tarés Kubrickien. Presque une heure de métrage s'est écoulée et FULL METAL JACKET confirme une fois de plus que le génie de Stanley Kubrick est toujours intact. 


En fait, il aurait sans doute mieux valu que le film se termine là. Comprenez-moi bien, ce qui suit n'est en rien déshonorant, bien au contraire. Mais, passant derrière PLATOON, APOCALYPSE NOW ou encore VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER, la guerre du Vietnam selon Stanley Kubrick peine à dépasser ces illustres modèles. L'image est somptueuse, le discours brillant et acéré. Reste que tout ça manque de cœur et d'authenticité. En voulant traiter de l'inhumanité du conflit, Kubrick se prend les pieds dans le tapis. Pourquoi ? Tout simplement parce que la galerie de personnages qu'il nous invite à suivre est incapable de susciter la moindre empathie chez le spectateur. Qu'ils vivent, qu'ils meurent, peu nous importe puisque, comme Kubrick l'a si efficacement démontré, ils n'ont plus rien d'humain. On a souvent reproché à Kubrick sa froideur et FULL METAL JACKET est le seul de ses films où cet aspect de son cinéma se retourne clairement contre lui. Il est même fort probable qu'il en ait été conscient à un moment donné tant le climax s'efforce de renverser la vapeur. Peine (presque) perdue puisqu'il est nettement plus facile de s'émouvoir du sort de la jeune "sniper" vietnamienne agonisante que des marines qu'elle a éliminé si méthodiquement.


S'il nous explose les rétines par sa technique impeccable et qu'il ouvre à nouveau le débat sur la nature guerrière de l'homme, la sclérose émotionnelle dont souffre FULL METAL JACKET en fait le film le plus faible de toute la filmographie de Stanley Kubrick. Mais, soyez rassurés, même avec "seulement" une moitié de chef d'œuvre, ce type là est capable de mettre à l'amende la quasi totalité de la concurrence. Les géants aussi peuvent trébucher, c'est même pour ça qu'on les aime.  

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