vendredi 17 juin 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #80 - PRINCE DES TENEBRES

Réalisé par John Carpenter - Sortie US le 23 octobre 1987 - Titre original : John Carpenter's Prince of Darkness.
Scénario : Martin Quatermass (alias John Carpenter).
Musique : John Carpenter et Alan Howarth.
Directeur de la photographie : Gary B. Kibbe.
Avec Donald Pleasance (Le Prêtre), Victor Wong (Professor Howard Birack), Jameson Parker (Brian Marsh), Lisa Blount (Catherine Danforth), Dennis Dun (Walter), Anne Howard (Susan Cabot), Ann Yen (Lisa), ...
Durée : 102 mn.
Un prêtre découvre dans une église de banlieue un étrange cylindre à l'intérieur duquel flotte un liquide verdâtre qui semble vivant. Il appelle une équipe de physiciens pour l'aider à déterminer les origines et les intentions de l'objet. Pendant ce temps, à l'extérieur de l'église, les phénomènes étranges se multiplient et les sans-abris semblent possédés, ...


L'histoire est bien connue : c'est suite à l'échec financier des AVENTURES DE JACK BURTON ... que John Carpenter décide de tourner le dos au système des studios pour retourner au cinéma indépendant et entamer ce qui peut presque être considérer comme un nouvel acte dans sa filmographie. Premier acte de ce tournant anti-commercial au possible, PRINCE DES TENEBRES est écrit et produit en un temps record  pour un budget plus que modeste. Avec cette histoire de l'arrivée de l'antichrist sur Terre, Carpenter renoue avec l'horreur radicale et apocalyptique de THE THING tout en empruntant au style économe d'HALLOWEEN et de THE FOG.


Ecrit sous pseudonyme, le scénario propose une relecture des figures chrétiennes de l'Apocalypse et de l'Antéchrist à travers le prisme des mécanismes de la physique quantique. Le regard forcément pragmatique de la science évacue les notions salvatrices de rédemption, de lumière et de sauveur pour plonger les personnages dans un univers de ténèbres et d'incertitude. La terreur se repose sur l'opposition entre deux univers. "Si il y a un Dieu, n'est-il pas logique d'affirmer qu'il existe un Anti-Dieu." théorise ainsi le personnage du professeur Birack. Carpenter n'a guère besoin d'en dire plus ou d'en montrer beaucoup pour faire alors ressurgir l'une des peurs les plus fermement ancrée dans l'inconscient humain : la peur du noir. Un miroir suffit à servir de passage pour que l'antéchrist rejoigne notre dimension. Le raisonnement est imparable. Tout autour de nous, l'horreur d'une dimension étant l'exact négatif de la nôtre attend son heure pour nous engloutir et renverser l'équilibre.


Sans effets superflus, la mise en scène épurée de John Carpenter arrive à nous convaincre en seulement quelques plans de cette effroyable menace. Champs et contre champs astucieux, plans fixes inquiétants qui mettent en évidence les dysfonctionnements progressifs de l'environnement. Après une courte mise en place de ses différents protagonistes, John Carpenter les enferme dans une église et retrouve les automatismes du film de siège tels qu'il en avait fait l'usage dans ASSAUT et THE THING (et même NEW YORK 1997 en un sens). Il pose les bases d'une menace extérieure silencieuse et implacable (les clochards zombies) qui se trouve n'être que peu de choses face à celle qu'ils doivent affronter à l'intérieur. La fabuleuse partition électronique qu'il compose à nouveau avec Alan Howarth s'occupe quant à elle de faire monter la tension sur un rythme de métronome. Enfin, les effets spéciaux de maquillage, bien que rudimentaires, n'en restent pas moins d'une efficacité totale. Un corps pourissant qui se désagrège pour laisser échapper une vermine bien gerbante, un pigeon crucifié, un empalement original et, surtout, le faciès horriblement sanguinolent et défiguré de la belle blonde de l'histoire alors possédée par l'antichrist. Il n'y a rien de mieux pour faire peur au spectateur que d'insister sur la corruption de la beauté. 


Plutôt bien reçu par le public (mais pas par la critique) à sa sortie, PRINCE DES TENEBRES est l'un des films les plus désespérés de son auteur, un aller sans retour pour la fin des temps dont le dernier plan, glaçant au possible, témoigne d'un état d'esprit enragé. Noir c'est noir.   

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