dimanche 5 juin 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #67 - BLUE VELVET

Réalisé par David Lynch - Sortie US le 19 septembre 1986.
Scénario : David Lynch.
Musique : Angelo Badalamenti.
Directeur de la photographie : Frederick Elmes.
Avec Isabella Rossellini (Dorothy Vallens), Kyle McLachlan (Jeffrey Beaumont), Laura Dern (Sandy Williams), Dennis Hopper (Frank Booth), Dean Stockwell (Ben), ...
Durée : 120 mn.
Revenu dans le giron familial suite au malaise cardiaque de son père, le jeune Jeffrey Beaumont découvre dans un pré une oreille humaine tranchée et décide de mener l'enquête, ...


Remis du calvaire que fut la production de sa fresque science-fiction DUNE, David Lynch reprend son univers en main et pose avec BLUE VELVET un jalon essentiel. Attiré par l'étrange et la part de cauchemar attachée à chaque rêve, le cinéaste offre une vision très personnelle du film noir, déplaçant ses codes par essence très urbains dans un univers rural évoquant les grands peintres de l'american way of life Edward Hopper et Norman Rockwell. 


Tout y est. Le héros menant son enquête en parallèle de la police, la femme fatale, le criminel sadique, un monde nocturne interlope entre séduction et dangerosité et l'héroïne virginale. Seul le décor et la méthode changent. Pas de grande ville surpeuplée noyée sous la pluie, pas de voix-off, pas de cynisme. Il s'agit pour David Lynch de gratter le vernis d'une surface à priori impeccable. Ainsi, la petite ville de Lumbertown nous apparaît tout d'abord comme un paradis sur terre, un eden hors du temps (l'histoire semble se situer quelque part entre les années 50 et 80, sans que ce soit jamais précisé). Mais une crise cardiaque entre deux sourires et une oreille humaine livrée à l'appétit des insectes viennent semer le trouble.


Ce n'est pas la cupidité, l'amitié ou le besoin de justice qui motivent le jeune héros à entreprendre sa quête de vérité mais bel et bien la Curiosité. Une curiosité infantile qui devient de plus en plus malsaine à mesure que l'entourage pervers de la chanteuse Dorothy Vallens se dévoile. Usant de symboles, David Lynch trace un parallèle entre le film noir et les contes de fées. Dans le rôle du grand méchant loup, Dennis Hopper inquiète et fascine par son interprétation de Frank Booth, truand, assassin et pervers sexuel se shootant à l'oxygène avant de proférer les pires insanités et dissimulant encore bien d'autres secrets. Loin des standards de virilité du cinéma américain de l'époque, Kyle McLachlan campe quant à lui un héros très "féminin", réminiscence du Chaperon Rouge et la Belle au Bois Dormant dans sa tendance à s'écarter du droit chemin pour frayer avec les prédateurs qui se nourrissent de l'innocence de ceux qui succombe à la curiosité et oublient prudence et raison.  Laura Dern et Isabella Rossellini, enfin, sont les deux faces d'une seule et même pièce : la femme. Elles sont la blonde et la brune, la petite fille et la femme, la vierge et la mère, la princesse et la putain. 


La dualité est une thématique très forte chez David Lynch et c'est avec BLUE VELVET qu'il l'exprime pour la première fois avec autant de force, un acte aussi ignoble que le viol pouvant par exemple exprimer l'amour le plus pur et le plus naïf. Rien dans ce film n'est ce qu'il semble être. TWIN PEAKS, LOST HIGHWAY et MULHOLLAND DRIVE viendront aux fil des ans enrichir considérablement cet univers cauchemardesque où faux-semblants, schizophrènes et autres poupées gigognes y évoluent librement, brouillant les pistes inlassablement.

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