mardi 7 juin 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #70 - LE MAÎTRE DE GUERRE

Réalisé par Clint Eastwood - Sortie US le 5 décembre 1986 - Titre original : Heartbreak Ridge.
Scénario : James Carabatsos, Joseph Stinson.
Musique : Lennie Niehaus, Desmond Nakano.
Directeur de la photographie : Jack N. Green.
Avec Clint Eastwood (Gunnery Sergeant Thomas Highway), Marsha Mason (Aggie), Everett McGill( Major Malcolm A. Powers), Moses Gunn (Staff Sergeant Luke Webster), Eileen Heckhart (Little Mary Jackson), Bo Svenson (Roy Jennings), Boyd Gaines (Lieutenant M.R. Ring), Mario Van Peebles (Corporal "Stitch" Jones), ...
Durée : 130 mn.

Alcoolique et indiscipliné, le sergent Thomas Highway est un marine proche de la retraite et dont la gloire semble désormais bien loin. Sorti de prison pour la énième fois, il accepte de prendre en charge la formation d'un peloton de reconnaissance à la réputation effroyable, ...


Un an avant le FULL METAL JACKET de Stanley Kubrick, le monolithe Eastwood se frotte avec délectation à l'un des sous-genres du film de guerre : le boot-camp movie (comprenez "film de camp d'entraînement"). Outre la valeur légèrement autobiographique du film (il est de notoriété publique qu'Eastwood fut, pendant ses propres classes, une recrue au moins aussi dissipée que celles du sergent Highway), LE MAÎTRE DE GUERRE véhicule une ironie devastatrice entre répliques über-viriles mémorables et un humour potache bien pensé. 


Droit dans ses bottes, voix rocailleuse et physique impressionnant malgré un âge déjà avancé (56 ans à l'époque du tournage), Clint Eastwood aborde frontalement, pour la première fois de sa carrière, le thème du héros vieillissant, faisant la nique au jeunisme triomphant d'Hollywood. Face à des recrues arrogantes et je m'en foutistes au possible, Eastwood oppose sa force tranquille. Une façon de se moquer du jeune homme qu'il fut un jour mais aussi d'une industrie cinématographique qui valorise les gros bras et les grandes gueules à la Schwarzenegger et à la Eddie Murphy qui ne savent qu'épater la galerie. Highway, au contraire, agit vite et bien, sans se la raconter. Il faut le voir envoyer au tapis un colosse bodybuildé de trente ans son cadet en deux temps trois mouvements. 


Pour autant, cette débauche d'héroïsme old school ne masque pas le discours farouchement anti-militariste du film. Contrairement aux idées reçues, LE MAÎTRE DE GUERRE n'a rien d'une œuvre bêtement patriotique. Au fil des séquences, la carrure de Tom Highway s'effrite et perd de sa superbe. Incapable de parler aux femmes avec la moindre sensibilité, c'est un homme qui va peu à peu se rendre compte qu'il a tout simplement gâché sa vie. Ses amis sont morts et, aux yeux de sa hiérarchie, il n'est rien d'autre qu'un dinosaure. Totalement obsolète. Le climax du film qui relate l'invasion de Grenade en 1983 dépeint un épisode guerrier sans relief, presque une farce. La guerre fantasmée par les recrues de Highway, désormais gonflées à bloc, n'aura pas lieu. Plus de héros. Plus de conflits spectaculaires.


Dans les dernières minutes du film, Eastwood acteur et réalisateur tacle tout sentiment de triomphalisme en une seule réplique lapidaire. Au soldat qui lui avoue vouloir faire carrière au sein du corps des Marines, Highway répond ceci : "T'es encore plus con que ce que je croyais !". Message reçu cinq sur cinq, sergent Clint !

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