Marcher, avaler des kilomètres, me semble bien plus facile qu'auparavant. Le monde s'est encore dégradé et la civilisation n'est plus qu'un souvenir. Le ciel des Derniers Temps, comme je me suis mis à l'appeler, ne suscite plus le malaise en moi. Cet aspect est irréversible maintenant.
Les morts-vivants existent toujours. Leur terrible faim ne s'est pas éteinte et ils errent continuellement dans les ruines de notre monde, à l'affut. Ma machette est rouillée et je répugne à l'utiliser. Sans doute vais-je devoir la jeter ... En attendant, je me sers de mes mains. Plus le temps passe et plus ces créatures pourrissent. Un coup de poing rapide et bien placé suffit à les mettre au tapis. Je me sens plus fort et plus réactif que par le passé.
Je me dirige vers Nîmes, ou ce qu'il en reste. Le soleil cogne toujours aussi fort mais ça ne fait rien. Sans doute est-ce l'été ... mais je ne puis en être certain.
J'ai rencontré un vieil homme sur la route, alors que je m'abreuvais à une fontaine toujours en état. Nous nous sommes observés pendant un certain temps, chacun cherchant à évaluer le danger chez l'autre. Une jambe en moins (remplacée par une prothèse en bois artisanale, un peu comme les pirates de mon enfance), de l'embonpoint, borgne, une casquette vissée sur le crâne. Je me suis approché de lui, confiant, et je lui ai tendu la main. Il a souri et a accepté la poignée de main. Rassurant, même si je ne me faisais aucun souci. Alors, il m'a invité à le suivre.
Après une vingtaine de minutes de marche à travers bois, nous sommes arrivés à un chalet. L'hospitalité m'a été offerte et nous avons discuté longuement. Le nom du vieil homme est Damien et il vit dans cet endroit depuis plus d'un an. Il se nourrit de l'élevage (il a un enclos à cochon et un poulailler) et de son potager. Il a perdu sa femme il y a huit mois environ et c'est cette dernière qui lui a coupé la jambe après qu'il fut mordu par un zombie. Manifestement, l'amputation a permis de contenir la contamination. Damien tient un calendrier rudimentaire et, s'il ne se trompe pas trop, nous sommes en plein mois de septembre 2016.
Je suis la première personne qu'il ait croisé depuis la mort de sa femme. Il m'a expliqué que les morts-vivants étaient de moins en moins nombreux et actif dans la région. Tous semblent remonter vers le nord, par hordes entières.
Je me sui regardé dans un miroir et j'ai eu peine à me reconnaître. Je ressemble à Robinson Crusoë. Mon hôte m'a proposé de me couper les cheveux et de me raser la barbe mais j'ai refusé. En revanche, j'ai accepté sa proposition de me filer de nouveaux vêtements. Un nouveau pantalon, des chaussures couvertes de boue mais néanmoins en bon état et une chemise un peu trop grande. Ces vêtements appartenaient au précédent propriétaire des lieux et Damien semblait ravi de pouvoir enfin s'en débarrasser.
Nous avons déjeuné et il m'a rempli le sac de victuailles. Après cela, il m'a invité à passer la nuit. J'ai dû à nouveau refuser. Je ne dors plus beaucoup à présent. Et je préfère voyager de nuit.
Nous nous sommes dit au revoir. C'est un brave homme que je ne reverrais sans doute plus jamais. Ma mission m'appelle et je ne peux pas m'attarder trop longtemps. Je dois rejoindre la mer.
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