jeudi 9 juin 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #71 - WALL STREET

Réalisé par Oliver Stone - Sortie US le 11 décembre 1987.
Scénario : Oliver Stone et Stanley Weiser.
Musique : Stewart Copeland.
Directeur de la photographie : Robert Richardson.
Avec Charlie Sheen (Bud Fox), Michael Douglas (Gordon Gekko), Daryl Hannah (Darien Taylor), Martin Sheen (Carl Fox), Terence Stamp (Sir Lawrence Wildman), Hal Holbrook (Lou Mannheim), John C. McGinley (Marvin), James Spader (Roger Barnes), ...
Durée : 126 mn.
Jeune courtier ambitieux, Bud Fox rêve de s'associer avec le magnat de la finance Gordon Gekko. Un jour, il saisit sa chance, ...
  

WALL STREET est un conte moral, au meilleur sens du terme. Dans la droite lignée d’un Frank Capra (on pense à plus d’une fois à MR SMITH AU SENAT). Avec son ouverture entraînante et lumineuse (une aube flamboyante se lève sur Manhattan) rythmée par le standard « Fly me to the moon », et son héros naïf et ambitieux (Charlie Sheen, dont le Buddy Fox est ici une variation "yuppiesque" sur le Chris Taylor qu’il interprétait dans PLATOON) qui va découvrir la corruption des milieux financiers, y prendre goût puis finalement tenter de la combattre pour retrouver une partie de son intégrité, le film de Oliver Stone revisite avec une belle énergie le classique mythe faustien. Dans le rôle du séducteur diabolique Gordon Gekko, Michael Douglas y trouve le rôle de sa carrière. Dévorant l’écran à chacune de ses apparitions, il symbolise à lui tout seul le paradoxe effrayant du capitalisme. L’opulence et la cruauté. Le Rêve Américain et son cauchemar fait homme. Issu du bas de l’échelle sociale, Gekko (un nom qui correspond parfaitement au caractère reptilien du personnage, prédateur de sang froid) s’est créé une fortune en écrasant ses concurrents par tous les moyens possibles, trahissant un fort sentiment de revanche quand aux vieilles fortunes établies qui, malgré un certain code de l’honneur (incarné ici par la stature de Terence Stamp, magnat anglo-américain de la vieille école), se déshonore néanmoins par son dédain affiché pour les petits. Manière de dire que le capitalisme. fondé sur une forte compétitivité, produit ses propres monstres, envieux et amorales. Des monstres qui transmettent comme un virus leur obsession pour l’argent à des jeunes recrues prêtes à vendre leur âme pour profiter de leur part du gâteau.


Tourné à toute vitesse dans la foulée triomphante de PLATOON, WALL STREET est aussi l’occasion pour Oliver Stone de développer à nouveau son thème de prédilection : la quête du père. Ainsi, la soif de réussite de Buddy Fox n’est motivée par rien d’autre sinon une envie de reconnaissance par ses pairs. Ils sont ici au nombre de trois. Gekko, bien sûr, le père corrupteur, de substitution. Carl Fox (joué par Martin Sheen), le père intègre mais qui a du mal à montrer son amour pour son fils. Et enfin, Lou Mannheim (Hal Holbrook), le mentor, le vieux sage de la bourse qui ne s’adresse aux autres que par longues tirades sentencieuses. Buddy cherche à s’attirer les faveurs des trois pour finalement réaliser que s’accomplir de lui-même, s’émanciper des modèles écrasants de ces trois hommes est probablement sa seule opportunité de rédemption, de réussite. Sa victoire, ce n’est pas d’envoyer Gordon Gekko en prison pour ses délits (Stone se garde d’ailleurs de montrer le tyran les menottes au poing, restant évasif quant à son sort final) mais bien de prendre ses propres décisions, de mener ses propres batailles et d’accepter la conséquence de ses actes sans flancher.   


Il y a du style et de la substance dans WALL STREET. Oliver Stone, s’il ne fait pas toujours dans la finesse, sacrifiant au passage ses personnages féminins (tous terriblement insipides et stéréotypés : la femme consentante, la blonde superficielle et la prostituée droguée offerte en cadeau à Buddy) qui le prive d’un angle de lecture qui aurait pu être passionnant (le regard des femmes sur un monde terriblement macho), vise un formalisme séduisant fondé sur une photo clinquante et un montage rapide et virtuose. En un sens, il s’agit là du premier pas vers ses expérimentations futures. Oliver Stone jette un pont entre le cinéma engagé de jadis et la frénésie visuelle des rutilantes 80’s. 



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