dimanche 19 juin 2011

LE CINEMA AMERICAIN DES ANNEES 80 #82 - INVASION LOS ANGELES

Réalisé par John Carpenter - Sortie US le 4 novembre 1988 - Titre original : They Live !
Scénario : John Carpenter, d'après "Eight O'Clock in the Morning." de Ray Nelson.
Musique : John Carpenter & Alan Howarth.
Directeur de la photographie : Gary B. Kibbe.
Avec Roddy Piper (John Nada), Keith David (Frank Armitage), Meg Foster (Holly Thompson), George "Buck" Flower (The Drifter), Peter Jason (Gilbert), Raymond St. Jacques (Street Preacher), ...
Durée : 93 mn.

Arrivé en Californie pour trouver du travail, John Nada, un vagabond, se retrouve à vivre dans une communauté de sans-abris. Là, il découvre une étrange paire de lunettes qui lui permet de voir le monde tel qu'il est réellement, ...

"I came here to chew bubblegum and kick ass ! And I'm all out of bubblegum ..."


Tourné dans la foulée de PRINCE DES TENEBRES, avec un budget encore plus serré, INVASION LOS ANGELES est le film d'un cinéaste en colère. Ayant déjà tâté de la contestation politique avec NEW YORK 1997, John Carpenter va bien plus loin et crache son ressentiment à l'égard de la société Reagan avec une énergie folle. Sur un fond de science-fiction à l'ancienne, Carpenter mêle western et comédie noire.


Ni républicain, ni démocrate, mais patriote avant tout, John Carpenter prend ici le parti des sans-abris et des laissés pour un compte d'un système ultra-libéral. Son héros, John Nada (son nom parle pour lui), est un simple citoyen, un vagabond sans attaches et frappé par le chômage. Mais, au début du film, c'est encore un rêveur. Il croit au rêve américain. Et lorsqu'il dégotte un job sur un chantier, il se plaît à croire qu'il peut encore y arriver. La donne va finir par changer à l'issu d'un raid policier démesuré sur la petite communauté de pauvres qui campent sur les collines de Los Angeles. Rappelant tant d'images d'actualité où l'on pouvait voir la jeune contestation américaine durement réprimée par la police ou la Garde Nationale, cette scène anticipe aussi les émeutes consécutives au passage à tabac de Rodney King et insiste sur ce glissement de la démocratie vers une dictature policière au service des riches. Dès lors, en possession des lunettes qui lui permettent d'ouvrir enfin les yeux sur l'horrible réalité, John Nada comprend que les dés sont pipés. L'expédition vengeresse qui va suivre se veut autant la réaction d'un homme enragé que celle d'un patriote bien décidé à rétablir les vraies valeurs de son pays. 


Le choix du noir et blanc pour dépeindre la "réalité" des envahisseurs n'est pas innocent. Carpenter épingle clairement la politique manichéenne du président Reagan. Une politique où, en fait de lutte entre les "bons" et les "méchants", il s'agit avant tout d'opposer les riches aux pauvres. D'ailleurs, que la menace soit extra-terrestre ne diminue pas la portée du discours du cinéaste. Les envahisseurs ne sont pas les seuls et uniques coupables. Cédant aux sirènes du consumérisme effréné, les humains n'hésitent guère à se joindre à eux pour trahir les leurs. Preuve en est ce clochard qui disparaît à l'issue de la première bobine pour réapparaître, tout beau tout propre et complètement à la cause alien, au début de la dernière. Ne nous y trompons donc pas, la cible de Carpenter ce n'est pas une quelconque race extra-terrestre mais bien la société américaine qui se laisse endormir par le pouvoir, une société attirée par le fric et effrayée par la violente migraine que la vérité risque de lui coller. 


Dans ces conditions et par le vent de révolte qu'il fait souffler, le brûlot de John Carpenter ne fait guère d'étincelles au box-office. Attaché à sa nouvelle indépendance, le cinéaste va pourtant reprendre la direction des studios en 1992 pour les AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE, film de commande faussement inoffensif dans lequel peut se lire, en filigrane, une nouvelle critique des yuppies et du pouvoir en place. A l'instar de John Nada, Carpenter délaisse, pour un temps, la guerre ouverte et prend le maquis.

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