lundi 28 mars 2011

LE SURVIVANT - LUNDI 28 MARS 2014

Mon sommeil, moins agité qu'on ne pourrait le croire dans ces circonstances, a été écourté par une série d'explosions. A 1 ou 2 km au nord-est, avant l'aube. Une grande fumée s'élève maintenant depuis ce qui fut l'hôpital de la Pitié Salpêtrière. Avant la mi-journée, l'odeur est devenue insupportable. Un mélange de chair grillée, d'essence et de produits chimiques ou de caoutchouc. Jour après jour, mon odorat subit agression après agression. Et c'est pas près de s'arrêter. Chassés par le feu comme des rats par une épidémie de peste, les morts refluent vers le sud, vers mon quartier, entre autres. C'est pas pour faire le difficile, mais ça commence vraiment à devenir infréquentable comme coin.
Finies les tergiversations. Demain, je met les voiles. Direction le sud donc. Mais la priorité, c'est de quitter l'enceinte de la ville. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? J'ai l'intention de me diriger vers la Porte d'Italie par l'itinéraire le plus direct qui soit. Pas de détours. Avenue d'Italie, puis au-delà du périphérique. J'espère pouvoir pousser jusqu'à la station métro de Kremlin-Bicêtre et trouver un abri avant la nuit. Une ballade riche en sensations fortes. Et interdit de s'arrêter pour regarder le paysage.
Je récapitule les rues pour les itinéraires de secours. Je fais l'inventaire de mes besoins. Assez de nourritures pour deux jours au moins. Un peu plus d'eau. Des armes. Je suis pas très doué avec une arme de feu mais je garde quand même sur moi un pistolet automatique avec deux chargeurs que j'ai récupéré chez encore un autre voisin. Pour le reste, ce sera une barre de fer. Simple et efficace. Et surtout, ça m'évite de trop m'approcher. ça me donne une bonne allonge. Les cocktails molotovs sont prêts eux aussi. Une petite dizaine dans une musette. Il va falloir que j'évite le gaspillage. Je me demande si je croiserai d'autres survivants en chemin ...
Je fais le tour de l'appart et je lance des regards à tout ce que je dois laisser derrière moi. Des objets en pagaille. Mon téléphone portable ne manque déjà plus. Comme tout le monde, j'étais devenu un esclave de ce petit concentré de technologie. Je ne m'imaginais pas que je m'en séparerai aussi facilement. C'est ma musique qui me manquera le plus. La batterie de mon lecteur mp3 est à peine entamée. Je me suis d'ailleurs fixé une règle à ce sujet : une chanson par jour. Sans musique, autant se tirer une balle dans la tête de suite. Ce soir, c'est "The Great Gig in the Sky" des Floyd. J'ignore si c'est un morceau approprié à la veille de ce qui m'attend mais bon, ça devrait faire l'affaire. 
J'ai vécu là pendant cinq ans. Plus je me force à rattacher un souvenir à tel ou tel mètre carré, meuble, pièce, plus ça m'échappe. C'est sans importance. Je suis prêt à parier ma dernière bouteille de rhum que tout sera très vite parti en fumée. Et si je suis encore en vie après demain, alors les souvenirs referont surface.
L'incendie se propage vite. D'immeuble en immeuble. Je vais dormir trois ou quatre heures et, après ça, j'aurais plus le choix. Zombies me voilà ! Soit je vous échapperai, soit vous aurez droit à un bon gueuleton avant de griller en même temps que tout Paris.

1 commentaire:

  1. ça dure longtemps une batterie de lecteur mp3 ? J'en ai aucune idée. Sans musique dans un monde apocalyptique, ouais, c'est logique, brrr, on est pas si mal dans notre monde actuel !

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